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La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Bandeau de l'article Interview Thierry Gioux et Fred Duval

Interview Thierry Gioux et Fred Duval

Hauteville House est une des séries phares de Delcourt, commencée en 2004 elle en est à son 12ème tome (et c'est pas fini !).
Ce succès et cette longévité sont dûs à un savant mélange des genres et à l'aspect feuilletonesque des histoires. En effet, Hauteville House est une Uchronie prenant place à l'époque du Second Empire et racontant la lutte des Républicains contre le "Petit Napoléon". Les Républicains menés par Victor Hugo sont retranchés à Hauteville House, demeure du maître en exil. Mais outre l'aspect historique, on y trouve des vrais morceaux de Steampunk (Jules Vernes, es-tu là ?), des créatures fantastiques (bonjour Mr Lovecraft) et même des aspects western (Mystères de l'Ouest quand tu nous tiens...). Le récit est mené à un rythme trépidant digne des feuilletons romanesques du XIXème siècle et sur lequel plane l'ombre omniprésente de Victor Hugo et de son oeuvre.
Hauteville House ou comment allier aventure débridée, rigueur historique et référence littéraire.

 
Comment est née l'idée de cette série ? Était-ce un choix évident dès le départ de travailler dessus ?
 
Thierry Gioux : Je me sentais à l'époque un peu à l'étroit dans le cadre strictement classique de la bande dessinée historique estampillée « Collection Vécu », et j'avais envie de me renouveler un peu, différentes envies se télescopaient. Je connaissais le penchant de Fred pour le Western, et je lui ai proposé une idée de collaboration, comme ça. Lui avait en tête d'autres pistes, et de fil en aiguille, cela s'est transformé en un hommage à Jules Verne mâtiné de Western, très dans l'esprit des Mystères de l'Ouest.
Fred Duval : Au départ Thierry m'avait demandé si je voulais bien monter un western avec lui, moi j'avais la série Gibier de Potence déjà en cours et une envie de développer un monde Steampunk autour de Victor Hugo en exil à Guernesey. Pour l’appâter, je lui ai proposé que la première aventure se déroule au Mexique, avec à la fois un ton Western et des références à la civilisation Maya qu'il affectionne.
TG : Pour le premier cycle de la série, l'idée d'ancrer l'histoire dans le Mexique de Maximilien n'était pas pour me déplaire, faisant le lien avec mon intérêt pour les civilisations mésoaméricaines.
D'autres influences sont intervenues en cours de route, Lovecraft, le roman populaire français du XIXème siècle, les anticipations d'Albert Robida. La mode n'était pas encore trop au Steampunk, et l'idée n'était certainement pas à ce moment de surfer sur la vague.
Et puis bien sûr Hugo, le lien, le personnage focal autour de qui toute l'intrigue se tisse, une passion commune je pense, sans trop en avoir discuté d'ailleurs.


Quand tu as commencé Hauteville House, pensais-tu que la série durerait aussi longtemps ? As-tu toujours plaisir à la faire ou une lassitude est-elle inévitable après tant d'années ?

 
TG : Non, je ne le pensais pas à vrai dire, mais tout en sachant que les possibilités sont multiples et les pistes infinies tant du point de vue romanesque que du coté géopolitique de la période traitée.
FD : J'espérais en faire 4 ou 5, à savoir boucler la première aventure « les Amériques ». La série ayant trouvé un public assez solide, nous avons décidé de monter une autre histoire, mais à laquelle je pensais depuis le tome 2, car j'avais découvert la Nouvelle Calédonie en allant y travailler à l'occasion du centenaire de la mort de Jules Verne et l'idée du second cycle a commencé à germer lors de ce voyage. Il restait à l'époque les deux volets nord-américains à réaliser (les tome 3 et 4 qui se déroulent durant la guerre de sécession), ça m’a permis de bien préparer la suite.
TG : Quant à la lassitude, en tant que dessinateur on peut la ressentir à certains moments, cela se ressent dans le travail, mais strictement d'un point de vue technique, je veux dire que deux ou trois albums de la série ne me plaisent pas du point de vue du dessin, je ne dirai pas lesquels ; cela ne fait que renforcer l'envie de rebondir et de faire mieux. En ce qui me concerne, je dois  dire que depuis le tome 10, puis avec ce nouveau cycle américain, l'envie est plus forte que jamais, et cela doit se voir.
FD : Je n’ai jamais eu de lassitude à écrire cette série, pour moi c'est du feuilleton, je sais comment je commence et comment ça se termine, mais je me laisse énormément de latitude quant aux péripéties, parfois il faut se rattraper aux branches, mais ça fait aussi partie du plaisir.

Comment se passe la collaboration entre scénariste et dessinateur ? Est-ce qu'il y a beaucoup d'échanges entre vous avant de finaliser le scénario ou le design d'un personnage ?
 
FD : J'écoute beaucoup les dessinateurs en amont, s'ils ont des envies de sujets, de civilisations, de décors particuliers, mais sur le destin des personnages je n'en discute pas trop. Si les dessinateurs ont des idées j'écoute, mais je ne demande pas leur avis sur la structure de l'histoire ou sur l'évolution des personnages, sauf évidemment si j'ai un gros doute.
TG : il y a eu au départ pas mal d'échanges au sujet des thèmes abordés ,des envies communes, etc, et puis bien sûr des recherches pour planter les décors, les personnages. Maintenant que la série vit à un certain rythme de croisière, les choses semblent aller de soi, sans trop d'échanges sur la forme, plutôt maintenant sur le fond, les atmosphères.
FD : Je pense aujourd'hui qu'il est intéressant (tant que faire se peut) d'avoir avec les dessinateurs, les collaborateurs, des discussions qui vont au delà du strict contenu des histoires. Avec Thierry on discute plus musique que BD, et je pense plus de documentation et de littérature que du contenu des scénarios.


Est-ce que travailler sur la série t'a donné envie de lire (ou relire) l'intégrale des œuvres de Victor Hugo ?
 
TG : Je connaissais bien sûr l'œuvre d'Hugo, mais j'avoue qu'aujourd'hui elle me tombe des mains, même si j'apprécie encore de relire certains passages de l'Homme qui rit ou bien des Travailleurs de la Mer. Non, ce que j'aime surtout, ce sont les Choses vues, et plus encore, les discours politiques.
FD : Je n'ai pas lu toutes les œuvres d'Hugo, mais les principales je pense. Je picore les contemplations depuis très longtemps, il y en avait déjà une citation dans mon premier album coécrit avec Thierry Cailleteau, 500 fusils. Pour le deuxième cycle je me suis replongé dans Notre Dame de Paris, bien entendu. Pour l'anecdote : la description du statuaire de Notre Dame m'a encore semblé... comment dire... titanesque ; à la limite du franchissable.
TG : Plus que son œuvre, c'est sa vie qui me passionne, mais on peut dire que les deux sont imbriquées.

Si tu pouvais adapter en bd une œuvre littéraire célèbre de ton choix, que choisirais-tu ?
 
FD : Côté théâtre j'ai adapté  Tartuffe pour Zanzim, et j'aimerais bien adapter le Misanthrope. En littérature, sans doute  Les Racines du Ciel  de Romain Gary.
TG : Sans trop réfléchir, comme ça... Moby Dick, ou l'Iliade. Dans un registre plus intimiste, certainement La Montagne Magique de Thomas Mann, ou bien encore du père Flaubert. Ça fait beaucoup de choses !
FD : Défi certainement impossible : Madame Bovary. Parce que je connais bien les lieux, les lumières, la chaleur des campagnes normandes décrites par Flaubert, les mentalités aussi. Quand il évoque la côte de Déville-lès-Rouen,  je peux affirmer l'avoir montée à vélo quelques dizaines de fois, mais ça reste un défi.
TG : Ah oui, et aussi sans doute une nouvelle de Lovecraft, La Couleur tombée du Ciel. Un peu casse-gueule cela dit .
 

La série a un côté steampunk assumé avec notamment ses dirigeables de guerre et ses sous-marins dignes de Jules Verne, étais-tu déjà familier avec ce genre et as-tu des inspirations particulières ?

 
FD : Les souvenirs de lecture des romans de Jules Verne quand j'étais enfant et, surtout, la série télé Les Mystères de l'Ouest. : ce sont les plus grandes sources d'inspiration.
TG : Jules Verne, ça reste un souvenir de lectures d'enfance, donc oui, cela m'est familier..
FD : Ensuite, pour faire sérieux, je peux citer les voies d'Anubis de Tim Powers qui à l'époque (les années 90) a vraiment lancé le genre Steampunk, mais je garde « James West et Artemus Gordon » comme les vrais parrains de Hauteville House.
TG : Et puis l'iconographie dix-neuvième siècle des pré-science-fiction,comme Robida ou la lecture de Wells. J'aime aussi beaucoup l'illustration de SF américaine des années 20-30. Un grand génie trop mal connu : Virgil Finlay.


La série a un cadre historique précis, celui du Second Empire, utilises-tu de la documentation pour les éléments réalistes ou laisses-tu libre cours à ton imagination ?
 
TG : Le pari (s'il y en a un) au départ de la série, était d'allier le coté science-fiction/Uchronie (Fred) et le coté « bande dessinée réaliste historique » (moi).
Donc oui, la documentation est très importante, afin d'ancrer ces histoires un peu fantaisistes dans un cadre historique précis, d'époque.
FD : Oui, surtout sur les civilisation ou guerres que l'on « visite » comme les mayas, la guerre de Sécession, la culture Kanak... Sur le Second Empire, je me documente aussi, mais il est plus utilisé comme une « menace globale », une sorte d'Empire comme celui de la Guerre des étoiles.
TG : Pour moi c'est un peu comme valider ce pas de côté historique par une approche du détail qui tue, qui pourrait ravir le spécialiste, sans trop en rajouter. Cela vaut pour l'architecture, comme pour les détails des costumes, des uniformes etc.

Être auteur de bd est-il devenu plus difficile aujourd'hui qu'au début de ta carrière ?
 
FD : ÊTRE auteur de BD (donc en ce qui me concerne) pas du tout, je me sens plus à l'aise techniquement, donc les questions que je me pose se focalisent plus sur le contenu. Et j'ai la chance d'avoir des séries qui sans être des best-sellers se vendent tout de même assez bien, donc j'ai pas mal de libertés et les éditeurs me font confiance.
DEVENIR auteur de BD est certainement aujourd'hui plus difficile que dans les années 1990, il y a plus de livres, le temps de vie sur les présentoirs s'est réduit comme peau de chagrin. Mais on voit chaque semaine en librairie des premiers bouquins passionnant réalisés par des passionnés... 

TG : Joker ?

 



Comment s'organise ta journée type de travail ? Où et Comment est aménagé ton espace de travail ?
 
TG : D'abord, tourner en rond, autour de la table, se mettre dans le bain. ça peut prendre des heures. Donc courrier, mails etc. Café aussi, beaucoup de café. Puis enfin rentrer dans le vif du sujet. Puis la nuit tombe, et là enfin l'inspiration. Ça peut me mener jusqu'aux premières heures du jour, voire au-delà. Il m'arrive de dormir l'après-midi parfois, 4 heures pas plus. Mes heures préférées : entre 3 heures du matin et 10/11 heures.
FD : Je commence la journée vers 8 ou 9 heure soit par du sport (je cours assez souvent, le matin) puis je réponds à mes e-mails, je pars faire des photos, et après déjeuner vers 13 h, j'attaque jusqu'à 19 heures non stop (juste en lisant les conneries de Stéphane Créty sur Facebook durant mes pauses). Le soir, entre films et séries télé,  je réponds aussi aux échanges avec mes amis Blanchard et Pecau avec qui le travail de coécriture est intense (Jour J, Wonderball etc.)
TG : J'ai besoin d'espace autour de moi, savoir que la nature est là, la montagne à côté ; et puis la mer... savoir qu'elle est là-bas, à moins d'une demi-heure.
 

Aller dédicacer dans un festival, est-ce un plaisir ou une corvée ?
 
FD : Les deux, mon général. La rencontre avec les lecteurs et les auteurs, c'est un plaisir, je réalise un petit travail photo depuis quelques années en collectant des portraits de lecteurs. Par contre les heures de transport et la coupure que les salons occasionnent dans le fil de l'écriture, c'est au bout de quelques années devenu pénible.
TG : Un plaisir lorsqu'il s'agît d'un petit festival où l'on bouffe bien, où l'accueil est  généreux, un supplice lorsqu'il s'agît des grand-messes telles qu'Angoulême ou le Salon du Livre.
Cela dit, j'y vais de moins en moins souvent car à chaque fois, c'est un temps précieux perdu pour le travail, et puis il y a la vie aussi !
Passer tous ses week-end en festivals ou dédicaces comme certains, très peu pour moi.

 


 
 
 
 


Christophe
Chroniqueur
La Bande Du 9


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