Les filles sages vont en enfer
Acheter sur BD FugueLes filles sages vont en enfer
Scénario, dessin et couleurs : Tohar Sherman-Friedman
Éditions : Delcourt / Encrage
Lorsqu’on grandit dans une famille pratiquante dans une colonie juive de Cisjordanie, le chemin de la spiritualité semble tout tracé ! Seulement, pour Tohar, la route va emprunter quelques sens interdits.
Les filles sages vont en enfer est un récit autobiographique d’une rare sincérité sur la recherche de spiritualité et le libre arbitre. Un album aussi attachant que bouleversant.
Tohar est la 7e et dernière enfant d'une famille israélienne juive pratiquante. Avec sa mère et son père, rabbin, la fillette a grandi dans la foi et dans une colonie installée dans les territoires palestiniens de Cisjordanie. Si, en 2004, elle participe à une manifestation orange contre la politique d'Ariel Sharon en faveur des « territoires en échange de la Paix », la jeune fille s'interroge de plus en plus sur sa religion. Elle trouve que cela sonne faux de jeûner pour le Kippour afin d’absoudre toutes les mauvaises actions d'un coup. Ivre de liberté, elle souhaiterait s'habiller comme elle l'entend, écouter la musique qu'elle aime et sortir avec ses ami(e)s. Mais la société israélienne ne l'entend pas de cette oreille et Tohar va longtemps peser le pour et le contre avant, enfin, d'être au clair avec Dieu…
D'Israël, nous avons une vision très stéréotypée. On parle de start-up nation avec le logiciel espion Pegasus ou de sa place de pionnier en matière de vaccination contre le covid-19. On évoque sa vie politique rythmée depuis plusieurs années par les frasques que l'ancien Premier ministre Bibi Netanyahu. On insiste aussi sur les conflit qui opposent l’état hébreux à ses voisins ou encore la colonisation de certains territoires palestiniens. Mais depuis le succès de séries Netflix, les Shtisel, on commence à prendre conscience de la complexité de la société israélienne. Justement, Les filles sages vont en enfer est une sorte d'antithèse des Shtisel. On y fait la rencontre de Tohar, dernière enfant d'une fratrie de sept dont le père est rabbin. Vous avez l'impression que cela fait un peu cliché, et bien détrompez-vous car il s'agit en réalité d'un récit autobiographique ! À travers le récit de sa vie, l'auteure nous raconte son pays autant que sa recherche de spiritualité. Ou plutôt l’échec de cette recherche. Avec un ton juste, souvent acerbe vis-à-vis de la société, la jeune femme nous raconte la vie dans les colonies juives de Cisjordanie. On est loin de Fortunée Sarfati d’Élie Kakou mais la pression sur les jeunes enfants est tout de même importante. Pression sécuritaire car certains villages ou certaines pratiques sont jugés dangereux. Pression sociale aussi car la religion est omniprésente. Attention, on ne parle pas d’ultra-orthodoxes, pas même de rigoristes ! juste de pratiquants. Avec ses yeux d'enfant, mais surtout d'adulte en construction, Tohar va lentement s'éloigner de Dieu, du Seigneur, de Yahvé ou Hashem. En tant qu’être libre, elle ne prêtera même plus attention au nom qu’elle utilise. Côté dessin, l’artiste israélienne nous propose un style personnel loin des canons européens. Le trait est précis mais sans fioriture. Les décors sont simples mais les personnages complexes. Toutes proportions gardées, on retrouve des influences de Marjane Satrapi, la couleur en plus. C'est un choc visuel autant que littéraire qui a le mérite de remettre les pendules à l'heure sur cette jeunesse israélienne qui a envie de vivre, juste de vivre.
Tohar Sherman-Friedman livre donc un récit autobiographique d'une race sincérité sur le libre choix d'une jeune israélienne dans une colonie juive de Cisjordanie, un récit captivant qui prouve que chacun est toujours libre de ses choix.
Cédric
Chroniqueur
La Bande Du 9
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