La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Dans un contexte historique où l’union soviétique est en déclin et où chacun bascule petit à petit vers le capitalisme soit pour faire fortune soit pour dépenser, Dimitri Lavrine, lui, a choisi de vendre tout ce qui peut se vendre même si c’est malhonnête. Son compagnon d’infortune, Slava, le suit et l’observe comme pour servir de porte-parole à l’auteur de cet album qui nous décrit admirablement l’état de l’union soviétique de l’après Gorbatchev.
 
 
Quelque part en Russie à la fin des années 90, un petit van soviétique brave la neige pour venir se positionner devant une somptueuse résidence. A son bord, Dimitri Lavrine, qui n’est autre qu’un escroc sans scrupules, en recherche permanente de tout ce qui peut se vendre. Pour réaliser ses méfaits, il se fait accompagner de Slava, un jeune artiste peintre en pleine remise en question depuis que sa cote de popularité est en baisse et qui cherche un nouveau sens à sa vie tout en remboursant Lavrine à travers ses combines. La résidence tombe à pic, le duo va profiter de l’absence des propriétaires pour piller la maison et embarquer notamment de magnifiques vitraux qui auront encore plus de valeur chez les riches clients de Lavrine. Mais bien mal acquis ne profite jamais. Sur la route du retour, le van est pris à partie par une bande de pillards armés qui n’hésitent pas à faire feu sur Lavrine et Slava. Leurs destins semblent sellés jusqu’à ce que la providence au nom de Nina leur vienne au secours. Cette rencontre va changer le cours de leur vie.
 
 
Fin des années 90, c’est la chute du mur et par extension l’effondrement de l’Union soviétique, période où pour les Russes, il fallait choisir entre survivre ou bien tirer parti de la situation. C’est ce deuxième cas de figure qu’a choisi Lavrine, personnage aimant déjà le luxe, bedonnant et couvert d’un manteau de fourrure. Son objectif, faire fortune par n’importe quel moyen, même s’il faut piller les riches anciens palais communistes. Sa doctrine : « Vendre Vendre Vendre à tous ceux qui veulent acheter ». L’esprit de ce personnage et les premières planches de cet album reflètent bien l’état d’esprit du moment en Union Soviétique. D’un côté des personnes qui s’ouvrent au capitalisme en tant que consommateurs et qui ne pensent qu’à acheter tout ce dont ils ont manqué mais qui vont devenir les futurs dindons d’une autre partie de la population qui choisira de vendre et qui prendra indirectement le pouvoir par l’argent.
C’est cette période chaotique que l’auteur Pierre-Henry Gomont (Malaterre, la fuite du cerveau), lauréat du Grand Prix RTL et fortement apprécié par la presse, a décidé de mettre en avant. Son personnage Slava va devenir au fil des pages notre regard sur cette société à la fois en déclin et en renouveau. A travers son œil et une bonne dose de burlesque, le lecteur va pouvoir ouvrir son raisonnement sur les différents agissements de la population, du riche au mineur, tous cherchant pertinemment à s’ouvrir au capitalisme avec plus ou moins de réussite.
 

Le rendu est assez agréable à lire et surtout très instructif. L’humour Laurel et Hardy des deux personnages se marie bien avec la situation politique mais se prête surtout au style graphique de l’auteur. Ce dernier n’hésite pas à utiliser de nombreuses onomatopées pour alimenter le sujet. Côté scénario, il n’est pas en reste, l’histoire est bien découpée et accompagnée d’une voix off qui alimente généreusement le dessin.
Au final, cet album représente un bon moment de lecture qui va se poursuivre encore sur deux albums.

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