La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Au travers de deux femmes, Monika et Mona, on découvre la réalité de la prise en charge des réfugiés en Europe et les difficultés rencontrées par les soignants pour mener à bien leur travail. Ces deux femmes vont sympathiser à l'occasion de la grossesse de Mona qui attend avec son époux Suleiman de se voir autorisés à aller en Allemagne où résident des membres de leur famille. Les démarches et leur lenteur sont autant de freins, mais n'entament en rien leur désir de quitter la Grèce et leurs logements de fortune pour offrir à leur enfant à venir une paix qui leur est désormais refusée dans leur pays natal, la Syrie.
De son côté, la sage-femme Monika fait face à des difficultés professionnelles en travaillant tout d'abord dans un hôpital où la hiérarchie médicale et le recours massif aux césariennes la heurtent. Personnellement, sa situation n'est pas plus épanouissante avec son mari qui ne parvient pas à trouver du travail dans le bâtiment grec tant la situation économique y est dégradée, et sa belle-mère héllène qui fait preuve d'ingérence dans leur vie de famille.
D'ailleurs, Monika et Mona vont se trouver au fil de l'histoire plus de points communs quand l'époux de Monika se verra proposer un poste en Allemagne alors que Mona sera contrainte avec son époux de rejoindre clandestinement ce pays de cocagne que l’administration leur refuse.
 

La dessinatrice Sandrine MARTIN s'est appuyée sur les recherches de Cynthia MALAKASIS, post-doctorante qui a étudié le sort de celles qu'on oublie généralement lorsqu'on évoque les réfugiés : les femmes enceintes. Par leur intermédiaire, on comprend mieux toutes les complications matérielles et les souffrances morales que recouvre l'expression vie d'exil : de la nourriture unanimement qualifiée d'impropre à la consommation car avariée de façon récurrente aux logements de fortune précaires en passant par des démarches administratives relevant souvent d'une gestion kafkaïenne.
Monika et Mona ne sont pas des femmes que Sandrine MARTIN et Cynthia MALAKASIS ont rencontrées, mais rassemblent les différentes protagonistes avec qui elles ont pu échanger.
Par le prisme de la fiction, cette bande-dessinée nous invite à reconsidérer avec bienveillance ces personnes généralement reléguées à des chiffres et qui les déréalisent.
Les planches aux magnifiques pastels sont pleines de trouvailles, et associent avec succès le passé aux rêves et à la réalité au fil des chapitres. La vie des réfugiés est d'ailleurs soigneusement retranscrite grâce aux esquisses que Sandrine MARTIN a faites lors de ses séjours dans les camps de réfugiés en Grèce.
La postface rédigée par les anthropologues Vanessa GROTTI et Cynthia MALAKASIS est éclairante, et atteste de la fiabilité des références données.
 

Cette œuvre nous propose un double portrait attachant de ces femmes aux prises avec une réalité géopolitique qui les dépasse et les éprouve.

Lydie et Nicolas