La bande du 9 : La communaut du 9ème art

 
Alors qu’en 1944, Moïse Rubinstein est confronté à la liquidation  du camp de Sobibor; en 1936, accompagné de son frère Salomon, ils fêtaient la sortie d’Une enfance volée, film autobiographie et succès assuré.
Quatrième épisode de la biographie des frères Rubinstein , Les fils de Sion nous plonge toujours plus dans la complexité des personnages et des années 30, pour notre plus grand plaisir.
 
Tout semble fonctionner à merveille pour les frères Rubinstein. Loin des terrils du Nord, Moïse a repris ses études à Harvard. Si ses capacités ont été prises en compte, c'est surtout la grosse donation consentie par Salomon qui a fait la différence. De toute façon, l'argent n'est pas trop un problème : sous le pseudonyme de Sal Rubin, Salomon vient de signer Une enfance volée, un film largement inspiré de son histoire personnelle et qui, tout le monde en est convaincu, va devenir un carton. C'est d'ailleurs pour cela que la Warner charge Sal de faire une tournée promotionnelle en France. Évidemment, Sal sait qu'il est toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt mais tout ce qui peut faire de la publicité est bon pour la Warner ! Et  puis, Sal se dit qu'il a encore un peu de temps pour se retourner. Jusqu'à ce qu'il voit « la liste des pontes à qui [il va] devoir faire de la lèche »...

Avec ce 4e épisode, Les frères Rubinstein poursuivent l'évocation de l'antisémitisme ordinaire dans les années 30. L'album s'ouvre sur un original flashback sous la forme d'un film en noir et blanc. C'est  la première d'Une enfance volée, largement inspiré de la vie et de l'incarcération de Salomon. C'est aussi le fil conducteur de cet album puisqu'il se clôt avec la fin du film et l'évasion de Sal. Mais n'allons pas trop vite ! Cette première projection, c'est la gloire pour son scénariste. C'est aussi une épreuve pour son frère : en effet, Moïse découvre ce que Salomon a subi pour qu'il puisse poursuivre ses études. C'est enfin le début d'une d'un retour dans l'Hexagone pour Salomon le fugitif. Moïse, lui, est davantage dans l'émancipation et découvre à l'université les débuts du mouvement sioniste grâce à Kabira Schwartz. Il découvre aussi que l'antisémitisme est d’égal ampleur des deux côtés de l'Atlantique. Si l'album se concentre sur l'année 1936, Luc Brunschwig, fidèle à la série, multiplie aussi les prolepses en 1944. À cette époque, le camp de Sobibor est sur le point d'être liquidé et les esprits s'échauffent des deux côtés. Pour le coiffeur des SS, c'est le moment de faire des choix. On l'aura compris, ce 4e opus poursuit les allers-retours temporels entre les années 30 et 40 avec parfois un enchâssement des récits. On sait donc qu'un seul des frères a été déporté  par les nazis et, comme lui, on ignore où est l’aîné et ce qu'il fait. On ignore également pourquoi seul le discret Moïse a été arrêté. Ce sont ces deux intrigues qui servent de fil conducteur : comment en sont-ils arrivés là ? et comment vont-ils s'en sortir ? Cette double linéarité pourrait gêner la lecture. Il n'en n'ai rien. Chaque période est parfaitement identifiée grâce à une colorisation plus ou moins vive, plus ou moins sale et triste. Cette dernière, signée Elvire De Cock, colle à la perfection au trait semi-réaliste d'Étienne Leroux et Loïc Chevalier. La violence des exécutions sommaires et la barbarie nazie ne sont pas cachées. Elles tranchent avec la douceur de la vie californienne, même matinée d'antisémitisme psychologique. Les décors viennent illustrer cette différence avec beaucoup de justesse et de précision.
 
Avec ce 4e album, Les frères Rubinstein entendent les bruits de bottes se renforcer en Europe. L’épilogue approche et la violence se fait omniprésente dans cette biographie romanesque, tellement réaliste.

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