Nom de la série : Bienvenu à Pandemonia
Scénario : Diego AGRIMBAU
Dessin : Gabriel IPPOLITI
Couleur : Gabriel IPPOLITI
Maison d'édition : Dargaud
Lorsqu'il meurt et qu'il débarque à Pandemonia, Ismaël Posta est certain d’être victime d’une erreur d’aiguillage. Seulement, la capitale des enfers est en crise : trop de travail, trop peu de personnel… Même Lucifer est au bord du burn-out. Il est alors toujours utile d’avoir un gourou du développement personnel dans ses rangs . Une satire démoniaque et féroce signée Diego Agrimbau et Gabriel Ippoliti.
Au sommet de sa gloire, le gourou du développement personnel Ismaël Posta attire des foules du monde entier à ses conventions. Acclamé, adulé, il s’étouffe bêtement avec une olive lorsqu’une groupie l’étreint trop fortement. Il se réveille peu de temps après dans un train mystérieux. D’après le contrôleur, il se dirige vers Pandemonia, la capitale des enfers. Pour le spécialiste en coaching entrepreneurial, ce n’est peut-être qu’une erreur. Lui qui a aidé tant et tant de personnes ne peut pas être damné. Il s’apprête donc à faire appel de son jugement dernier. Malheureusement, Pandemonia est totalement paralysée. Les tribunaux sont engorgés, les gardiens des âmes damnées débordés, Lucifer lui-même est au bord du burn-out. En cause, les nouvelles directives, parfois contradictoires, en provenance de la direction générale du règne des Cieux. Les Enfers sont sous pression, la révolte gronde et les fauteuils deviennent éjectables…
Dans notre monde peuplé de pervers narcissiques, dans nos sociétés de plus en plus connectées, vous pouvez faire confiance aux Autres afin de vous aider à tenir le cap. On ne compte plus les sites et les applications de coaching pour tout, et surtout pour rien. Ces gourous d’un nouveau genre ont même trouvé une nouvelle assistance : l’IA ! Mais jusqu’où sont-ils prêts à vous emmener ? Pour Diego Agrimbau, la réponse est simple : jusqu’aux Enfers. C’est ainsi que le scénariste imagine la mort, tragique et bête, bref désopilante, du plus grand des gourous du développement personnel. Contre toute attente, ce sont les portes de Pandemonia qui s’ouvrent devant lui. Refusant la fatalité, Ismaël va confier son sort à la justice démoniaque. Jusque-là, rien que de très ordinaire ! Oui mais voilà, les enfers sont en crise. Depuis plusieurs ordonnances divines, Pandemonia littéralement submergée. Pour un oui, pour un non, les nouveaux venus sont condamnés ! Cette phase d’exposition, où l’on croise conseil d’administration avec tout ce qu’il peut regorger de jalousies et de rancœurs est très drôle. La suite l’est tout autant. Face à une justice implacable, Ismaël est bien contraint d’avouer qu’il n’a pas toujours été un Saint et, en tant que tel, il est condamné aux pires tourments. Mais je ne peux pas en dire plus sans tout divulgacher ! Ce qui compte surtout, c’est le rythme d’enfer auquel les péripéties s’enchaînent autour des deux héros, ou plus exactement des deux anti-héros que sont Ismaël et Lucifer. L’autre élément tordant est le soin apporté au dialogue et en particulier au choix des noms des personnages secondaires. C’est drôle, c’est acide, c’est excellent ! Il ne faudrait pas oublier non plus de parler du dessin afin de compléter ce tableau infernal. On observe là aussi le soin apporté à la représentation des démons. Certes, et comme le veut la légende, tous ont des cornes ; mais dans le règne animal, ce ne sont pas les cordes qui manquent. Bouc, taureau ou gazelle, ces gardiens des enfers ont donc l’embarras du choix. Et pour le lecteur, c’est aussi efficace que les traits caricaturaux. Pour le reste, Pandemonia est une imposante mégalopole d’inspiration steampunk, royaume d’un baron samedi vautour. Les intérieurs deviennent réalistes et les extérieurs sont teintés d’orange et d’ocre, totalement en lien avec l’ambiance infernale. Reste la construction qui fait la part belle aux grandes cases et qui assure une grande fluidité dans les dialogues tout en assumant, par moment, des plans fixes; preuve d’une lenteur de telle ou telle institution.
C’est donc un album à l’humour particulièrement acerbe sur un thème bien de société. Un album qui met à l’honneur un homme qui se cache derrière une façade bien ripolinée mais qui est aussi sombre que les enfers, aussi sombre que notre société est égocentrique. Un album qu'il faut découvrir d'urgence, sous peine d'être damné.