Titre du Tome: Cartier-Bresson, Allemagne 1945
« L’œil du siècle ». C’est ainsi qu’Henri Cartier-Bresson est surnommé. Il faut dire que le photojournaliste français a traversé le siècle, portant sur les événements un regard vif et incisif. Cet album retrace sa vie et rend hommage à son travail lors de la libération. 5 mai 1946, sur les quais du Havre, deux photographes discutent autour d’une valise pleine de quelques 300 clichés.
L’un d’eux n’est autre qu’Henry Cartier-Bresson et ces photos doivent servir à une rétrospective organisée par le MOMA de New York. Quand à celui qui invite, c’est Robert Capa. C’est ce dernier qui rappelle que les photojournalistes doivent conserver leur liberté. Liberté ! Ce mot résonne dans l’esprit de Cartier-Bresson qui, sur le pont du transatlantique, replonge dans ses souvenirs. Retour donc en mai 1940. Le jeune Henri est transféré au service « Film et photographie » dont l’objectif est de concurrencer la propagande nazie. Obéissant aux ordres, le caporal Cartier-Bresson rend les armes le 17 juin. Il n’entend donc pas l’appel de De Gaulle le lendemain mais l’esprit de résistance est déjà présent lorsqu’il enterre son bien le plus précieux : son appareil photo. Débute alors 3 années durant lesquelles « Bébé Cadum », son surnom, n’aura de cesse de tenter de s’évader. S’évader pour témoigner ! Et HCB continuera de témoigner avec son style si particulier. Prises sur le vif, ses photos donnent l’impression d’être calculées, ajustées au millimètre.
Lancée en mai 2014, la collection Magnum Photo, éditée par Dupuis Aire Libre, s’enrichit d’un deuxième tome. Après avoir consacré le premier opus à Robert Capa et à son travail lors du débarquement d’Omaha Beach, cet album met en lumière le travail d’Henri Cartier-Bresson.
Instigateur du projet, c’est toujours JD Morvan, secondé par Séverine Tréfouël, qui scénarise cet hommage à
l’ « œil du siècle » comme sera surnommé le cofondateur de l’agence Magnum. L’album retrace la vie de HCB à travers ses photographies. De l’Afrique au Mexique ; en passant par la guerre d’Espagne et le Front Populaire, le photographe livre son engagement antifasciste. Mobilisé puis prisonnier, il ne cessera jamais de tenter de s’évader. Une fois échappé, il rejoint un groupe de résistants lyonnais. Photographe de la libération de Paris puis des massacres d’Oradour sur Glane, il devient célèbre grâce à un cliché pris près de Dessau, en Allemagne : une rescapée reconnaissant sa délatrice la gifle. Cette photo est d’ailleurs reprise en couverture.
C’est à son vieux complice Sylvain Savoïa que JD Morvan a confié le soin de mettre cette biographie en image. Après l’excellent
Les esclaves oubliés de Tromelin, le dessinateur de
Marzï confirme son statut de dessinateur historique. Le trait est toujours aussi précis et touchant. Le choix du noir et blanc renforce l’élégance du trait mais surtout démontre la force de cette option. Après tout Cartier-Bresson, lui-même, avait fait ce choix.
Précisons enfin que l’album se clôt par 40 pages de portfolio et de dossier documentaire rédigé par le spécialiste du photographe Thomas Todd.
Au final, une œuvre magistrale rendant hommage à un grand personnage du XXe siècle qui a voué sa vie et sa carrière à la liberté. Un exemple à suivre.