Nom de la série : Chiens et loups
Tome : 2
Titre du Tome: Jeux truqués
Scénario : Noël SIMSOLO
Dessin : Dominique HE
Couleur : Dominique HE
Maison d'édtion : Glénat
En 1941, dans le Montmartre occupé, Victor dit le Turc, joue de plus en plus avec le feu. Profitant de ses relations avec l’occupant, il renseigne les réseaux de résistance tout en gagnant de l’argent. Mais à trop jouer avec le feu… Suite et fin de ce diptyque qui raconte avec beaucoup de justesse la vie des cabarets de Pigalle durant l’occupation.
Paris, décembre 1941. Tout Pigalle pousse un ouf de soulagement. La chanteuse vedette de l’Autre cirque, Aurore, a été libérée. Elle peut donc reprendre son tour de chant. Elle reprend également la tête du réseau de résistance de Montmartre. Dans ses rangs, elle peut compter sur l’aide de Victor, alias le Turc. D’ailleurs, il a une idée pour « couillonner les Boches ». Il propose un accord à Otto Von Schulz, un dignitaire nazi. Si la police française et les SS ferment les yeux, Victor s’empare des cabarets et des bordels qui volent l'occupant et, en échange, ils s’engagent à soutenir financièrement l’effort de guerre personnel de Von Schulz. Dans l’ombre, les nouveaux gérants pourront plus facilement espionner les nazis et renseigner le réseau d’Aurore. Pour mener à bien cette opération, Victor demande de José qui lui adjoint son nouveau garde du corps, Canino. Tout semble fonctionner à merveille mais, lorsque l’Allemagne envahit l’URSS, le ton change et la menace pèse désormais sur Luce, la cogérante du Femme Femme. Alors, lorsque Aurore est de nouveau arrêtée par les amis de Victor, le Turc n’a plus d’autre choix que de s’investir en totalité…
En juin dernier, je m’étais enflammé pour l’album d’ouverture Chiens et loups. C’était la première fois que je lisais une histoire de l’occupation nazie à travers la vie quotidienne d’un oiseau de nuit de Pigalle. On avait fait la rencontre de Victor Saalia. Imprésario et gros bras, ce turc musulman jouait avec le feu. Il donnait l’impression de collaborer activement. Il couchait même avec une charmante membre de la Gestapo. Ça, c’est côté pile. Côté face, il apportait des informations aux réseaux de résistance communistes et gaullistes. À l’ouverture de ce second album, rien n’a changé. Grâce à ses soutiens, le Turc a réussi à innocenter Aurore. Mais, s’il conserve des liens avec la résistance, il souhaite gérer ses affaires comme il l’entend. Il propose donc un deal à un haut dignitaire SS. Ce dernier lui accorde sa protection et Victor le dédommage en lui accordant un excellent traitement et une participation financière. Tout le monde est gagnant ; même la résistance qui recueille ainsi moults confidences. Tout pourrait fonctionner aisément mais les jalousies vont aboutir à une guerre implacable. Les tensions et les luttes sont parfaitement racontées avec autant de précision que de rythme. C’est fluide, les rebondissements sont suffisamment nombreux et bien calibrés pour que le lecteur ne décroche pas. Centré sur le personnage de Victor Saalia, cette intrigue montre toute la complexité de la vie, et en particulier de la vie d’un truand, durant l’occupation nazie. Pas tout à fait héros, pas tout à fait anti-héros, le Turc navigue en aux troubles jusqu’au point de non-retour. Mais j’en dis déjà trop ! Côté dessin, on retrouve le trait de Dominique Hé. Visages émaciés, teint blafard, chapeaux et sourires narquois ; toute la panoplie du gangster est mobilisée. Les cadrages en gros plan renforcent l’aspect brut des personnages. Si la construction est relativement classique, elle révèle parfois des vignettes assez extraordinaires avec ici où là un reflet dans une vitre donnant sur le Sacré-Cœur ou une magnifique façade art-déco. La colorisation joue toujours sur l’opposition entre le rouge des intérieurs de cabarets et le Vert-De-Gris extérieur tout en ayant tout le temps un aspect terne, presque délavé, qui renvoie bien à l’époque.
Chiens et loups est donc un diptyque qui traite un aspect singulier et original de l’occupation nazie. Deux albums tout à la fois historiques et policiers que je vous recommande chaudement.