Nom de la série : Criminal
Tome : - hors-série -
Titre du Tome: Les acharnés
Scénario : Ed Brubaker
Dessin : Sean Phillips
Couleur : Jacob Phillips
Maison d'édition : Delcourt
Avec Les Acharnées, Ed Brubaker et Sean Phillips quittent un instant leurs criminels emblématiques pour explorer un autre type de violence : celle, silencieuse et quotidienne, qui règne à Hollywood. Cette histoire autonome, proche dans l’esprit de la série Criminal, nous plonge dans les coulisses d’une ville où les rêves et désillusions se côtoient avec force et violence.
Jacob, scénariste de télévision, travaille sur une série adaptée de l’une de ses propres BD. À première vue, tout s’annonce bien. Mais Hollywood n’est pas un terrain stable : entre sourires trompeurs, pressions déguisées et manipulations feutrées, un détail en apparence insignifiant suffit à faire vaciller son équilibre. Un faux pas, une situation qui s’envenime, et le voilà piégé dans un engrenage invisible.
Pour ne pas s’y perdre, Jacob décide de reprendre sa vie en main et de s’éloigner d’un succès qui semble désormais porter trop d’ombres derrière lui.
Pendant ce temps, de l’autre côté de la ville, Angie, jeune orpheline à la volonté farouche, tente de trouver sa place dans une société qui ne lui en offre aucune. L’Undertow ,bar mythique, refuge des blessés de la vie , lui sert de point d’ancrage. Angie avance, sans illusions, mais avec une force instinctive qui la rend immédiatement attachante.
Le destin finira par rapprocher ces deux tempéraments opposés. Reste à savoir si cette rencontre fortuite ouvrira une voie nouvelle… ou si elle ne fera qu’ajouter un peu plus de chaos à leurs vies déjà fragilisées.
Brubaker signe ici un récit d’une grande justesse. Pas de braquages, pas de règlements de comptes, mais une tension diffuse, presque sourde, qui s’insinue à chaque page.
Jacob incarne la fatigue moderne, celle de ceux qui essayent de “jouer le jeu” dans un milieu trop grand pour eux. Angie représente au contraire la rage de vivre, la survie sans compromis.
Le croisement de leurs deux trajectoires donne à l’album une dimension profondément humaine, où chaque choix, chaque renoncement, semble chargé d’un poids réel.
Sean Phillips excelle dans l’art de capturer les zones grises. Son Hollywood est loin des clichés : ce sont des rues trop propres, des bureaux éclairés aux néons blafards, des bars où les secrets restent accrochés au comptoir.
Les visages, les ombres, les silences : tout est travaillé avec une sobriété remarquable.
Les couleurs de Jacob Phillips ajoutent une atmosphère douce-amère, presque mélancolique, qui accompagne parfaitement la lente dérive de Jacob et la fulgurante vitalité d’Angie.
Les Acharnées est l’un de ces albums qui marquent sans crier gare. Une œuvre sensible, juste, tendue, où Brubaker et Phillips prouvent une fois de plus qu’ils savent raconter l’humain dans ses failles les plus intimes.
Pas besoin d’être amateur de polar pour l’apprécier : c’est avant tout une histoire sur la fatigue, la reconstruction, et la lutte pour ne pas se laisser avaler par le monde.
Une BD puissante, sans esbroufe, portée par deux personnages inoubliables.
Un vrai coup de cœur.