Titre du Tome: De mémoire
Une mémoire absolue est souvent considérée comme un don. Pour Nick, cela relève du cauchemar. Lorsqu’il est kidnappé et interrogé sur les travaux de son père mort depuis bien longtemps, il ne peut pas avouer que pour vivre normalement, il a fait comme tout le monde : oublier!Un album à ne surtout pas oublier de lire !
Nick est hypermnésique. Il a une mémoire absolue. Choses importantes ou détails, il n'oublie absolument rien. Malheureusement, ce don participe davantage au cauchemar qu'au rêve. Nick est incapable de conserver un emploi tant il s'ennuie. Il limite autant que possible sa sociabilité. Seule Julia, une de ses thérapeutes entre, entre deux conférences et quand elle le veut, dans sa vie. Un jour, Nick est embauché comme videur dans un night-club : il faut dire que sa mémoire des visages est un sacré atout.
Le soir, il est l'unique témoin d'un meurtre. Dès le lendemain, il est victime d'une tentative de rapt. Logiquement, il pense que ce sont les proches de l'assassin qui tentent de l'intimider. Mais le surlendemain, les ravisseurs rappliquent et kidnappent Nick et lorsqu'ils commencent à lui parler des travaux de son père, mort alors qu'il n'avait que 5 ans, Nick ne peut pas leur confesser que pour vivre à peu près normalement, il a été obligé de faire comme tout le monde: oublier!
Hypermnésie ! Qu'on se rassure, ce n'est pas la nouvelle épizootie propagée par le moustique tigre ! Non, l'hypermnésie a été popularisée par la série
Unforgettable avec Poppy Montgomery et Dylan Walsh. La grande différence avec le scénario mitonné par Eric Corbeyran réside dans la perception même de cette mémoire absolue. Oubliez le don, dites bonjour à la malédiction ! Afin de la gérer au mieux, Nick a appris à compartimenter, à déstocker ses souvenirs, bref à oublier. Mais s'il réussit à faire des reset, il y en a d'autres qui n'oublient pas et qui vont se rappeler à son bon souvenir. On l'aura donc compris, le scénario ne manque pas d'originalité. Les personnages se dévoilent petit à petit, à l'image d'un patient sur le divan d’Henry Chapier. À force de flash-back et de souvenirs, l'intrigue se construit. On se familiarise rapidement avec ce symptôme et on se laisse égarer, comme le personnage, mais en ayant toujours dans un petit coin de notre tête le mot hypermnésie. À l'image d'un film policier, le rythme s'accélère à mi-enquête laissant le suspense aller crescendo. À mon sens, il retombe un peu comme un soufflé : la chute étant un peu trop rapide et bourrée de sous-entendus. Qu'on se rassure, cela ne concerne que les toutes dernières pages et les dialogues permettent de parfaitement comprendre l'épilogue. Après les trains de la Légion étrangère et la jungle vietnamienne de
La Rafale, Winoc croque ici une Amérique contemporaine, toujours avec brio. Privilégiant l'émotion à la justesse du trait, le dessinateur offre
beaucoup de caractère à ses personnages, avec une mention toute particulière pour Nick. Ce héros qui n'oublie rien apparaît souvent fort mais des touches de fragilité sont disséminées avec finesse. Avec les nombreux flashbacks, on aurait pu craindre de perdre le cours des événements. Il n'en n'est rien et cela grâce à une des petites touches presque imperceptibles mais pourtant bien réelles de la colorisation assurée par Sébastien Bouet.
C'est donc un album extrêmement original dans tous les sens du terme. Un album qui se lit comme on regarderait un bon film policier. Un album à ne pas oublier de lire.