Nom de la série : Flous artistiques
Scénario : Dash Shaw
Dessin : Dash Shaw
Maison d'édition : Dargaud
Flous artistiques, de Dash Shaw, est un roman graphique qui nous plonge dans une galerie de personnages ordinaires, mais qui ont tous la particularité d’être saisis à un moment de leur vie où ils semblent hésiter... Ils sont dans le flou, souvent à un carrefour de leur vie, et on les accompagne dans leur introspection. Une BD aussi atypique que plaisante !
Tout commence avec Kevin, un jeune homme plutôt froid et ennuyeux a priori. Il est importuné par une personne qui ne cesse de l’appeler... Il finit par répondre et... C’est son propre frère qui l’appelle pour l’inviter à son mariage alors qu’ils ne se sont pas vus depuis longtemps et qui lui demande d’être son témoin !
En allant choisir sa tenue pour celui-ci, il tombe sur Mel, une ancienne camarade de classe dont il ne se souvient pas et qui est vendeuse dans le magasin qui la choisit. Il commence à lui parler et c’est ensuite son histoire à elle qu’on découvre, notamment sa relation avec son ex et avec un homme qu’elle a engagé dans le restaurant dont elle est manageuse, Kay, amateur d’art et de musique.
On découvre donc successivement un homme incapable de choisir une chemise, une vendeuse qui doute de ses nouvelles lunettes, un professeur de dessin prêt à démissionner, un modèle en plein questionnement amoureux, une autrice en panne d’inspiration… Chacun raconte son histoire, ses doutes, ses hésitations, avant de croiser quelqu’un d’autre qui, à son tour, livre un fragment de vie.
Le récit avance ainsi de proche en proche, comme un passage de relais de doutes ou d’introspection, où les destins des différents protagonistes s’enchevêtrent. Le récit repose sur une construction en relais : chaque personnage devient narrateur en se livrant à un autre, créant une succession d’histoires emboîtées. Cet enchaînement peut parfois sembler répétitif ou manquer de rythme mais c’est aussi ce qui fait l’originalité de l’album : on circule d’un destin à l’autre, comme si l’on suivait un fil invisible en se demandant le lien qui les unit ou bien sur les états d’âme du nouveau personnage...
Cela peut peut-être donner un sentiment de saturation – trop de récits, trop de personnages mais Dash Shaw parvient à faire resurgir ces personnages presque naturellement et à fermer la parenthèse de leur histoire sans nous laisser sur notre faim. Bien sûr, certaines conclusions paraissent anecdotiques mais d’autres sont vraiment touchantes et illustrent comment un choix, même banal en apparence, peut réorienter toute une existence.
Au niveau du dessin, Flous artistiques impressionne par sa simplicité assumée. Le noir et blanc capte l’essentiel : des visages expressifs, des corps légèrement stylisés, des décors esquissés. Notre attention se porte donc sur ce qui est dit.
La contrainte formelle (quatre cases casi-systématiquement par planche et sur près de 500 pages) donne de la fluidité à l’album. Même si pour certains, j’imagine que cela peut paraitre monotone, cela permet vraiment de découvrir et de s’attacher aux différents personnages.
C’est donc une BD singulière mais plaisante ! Une fresque chorale, inégale mais riche, qui met en valeur le flou(s) artistique(s) que peut parfois être la vie !
