Nom de la série : France profonde
Scénario : Swann Dupont, Kris
Dessin : Eliot
Couleur : Kathrine Avraam
Maison d'édition : Albin Michel
Décembre 1973. Firmin Damrémont, inspecteur de la Brigade Mondaine, pensait bientôt couler une retraite tranquille mais on va lui imposer une dernière mission d’un genre… particulier. France profonde s’avère être une plongée jubilatoire dans les bas-fonds lumineux, et pornographique, du cinéma des années 70 ! Une BD aussi drôle qu’intéressante !
Après une toile en solitaire, qui sera l’occasion d’une rencontre frappante avec une jeune femme, notre inspecteur doit infiltrer le milieu du cinéma pornographique, alors en pleine effervescence à Paris. Il devient alors Jean-Louis Lamour, un producteur de film pour adulte...
Au même moment, Jeanne Venucci, jeune étudiante passionnée de cinéma, rêve d’apporter un regard neuf et féministe à un genre dominé par les mâles moustachus et les clichés virils.
Leur rencontre, évoquée ci-dessous, va être aussi explosive que drôle et touchante. Celle-ci devient le moteur d’une comédie humaine savoureuse, où s’entremêlent enquête policière, satire sociale et hommage à une époque de liberté naissante.
Entre faux producteurs, vrais cinéastes, et politiques sur le point de serrer la vis, France profonde nous entraîne dans les coulisses du X français, juste avant que la fameuse « loi X » de Giscard d’Estaing ne vienne tout bouleverser.
Le duo Kris et Swann Dupont signe ici un scénario aussi documenté que décalé. Ce n’est pas seulement une histoire d’infiltration ou une satire du porno à la française : c’est avant tout une description de la France des années 70. On y retrouve l’énergie d’une époque où le cinéma cherchait ses limites, où les mœurs vacillaient et où la libération sexuelle se mêlait à une soif de liberté artistique.
Ce que j’ai le plus apprécié, c’est le choc des générations entre Firmin, vieux flic désabusé, qui porte en lui les désillusions d’une génération marquée par la guerre et face à lui, Jeanne, qui incarne l’audace, la jeunesse et une vision féminine du désir. Ce duo improbable fonctionne à merveille : entre maladresses, connivence et débats passionnés, leur relation devient le cœur du récit.
Mais au-delà du rire, France profonde s’interroge surtout sur la représentation du corps, la censure et la place des femmes dans un milieu en pleine mutation. Le tout sans jamais se prendre au sérieux. Kris et Dupont réussissent ce tour de force : faire d’un sujet sulfureux une comédie humaine à la fois érudite et drôle.
Eliot, au dessin, et Kathrine Avraam, à la couleur, nous plongent dans la France des seventies. Ils captent à merveille les décors urbains, les plateaux de tournage enfumés et les vieux cinémas de quartier.
France profonde, sous ses airs de comédie légère, propose une réflexion intéressante sur le rapport de notre société au porno, notamment avec l'excellent dossier documentaire présent en fin d'album !