Nom de la série : Jour J
Tome : Edition spéciale
Titre du Tome: Los Alamos
Scénario : Fred DUVAL
Dessin : Denys
Couleur : Scarlett
Scénario : Jean-Pierre PECAU
Maison d'édtion : Delcourt
1945, la guerre se poursuit dans le Pacifique. Pour arrêter le bain de sang, l’état major US compte sur l’équipe du docteur Oppenheimer qui tente de créer la première bombe atomique. Rongé par les doutes, Oppi s’enfuit. Sa route croise celle de Jack Kerouac, pape de la Beat Generation. Mais jusqu’où vont-ils pouvoir fuir… A l’image de 11 septembre, ce Los Alamos regroupe deux excellents Jour J pour le 80e anniversaire des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki.
En ce mois de juin 1945, l’Oncle Sam n’a pas la tête à fêter sa victoire en Europe. Dans le Pacifique, chaque ile libérée se solde par une hécatombe. L’état-major compte sur les essais menés dans le Nouveau-Mexique pour qu’enfin le Japon rende les armes. Dans ce trou perdu des Etats-Unis, une équipe de brillants chercheurs tente de faire aboutir le projet Trinity. Malheureusement la mise au point du « gadget » est terriblement laborieuse. Pour ne rien arranger, le directeur du projet, le docteur Oppenheimer multiplie les cauchemars, preuve de ses états d’âme. Un beau matin, après on avoir embrassé sa femme, il sort du camp sur un motif futile. Il souhaite s’enfuir le plus loin possible afin d’éviter de terminer la mise au point de la bombe atomique. Sur la route, il fait la rencontre de Jack Kerouac, un canadien francophone et déserteur. Le fait qu’ils soient capables de citer Kafka les rapproche immédiatement et tous deux décident de s’enfuir, ensemble. Un troisième larron vient les rejoindre : il s’agit de Neal Cassidy, un petit truand de grands chemins. À Washington, le président Hoover est furieux. Il lance les meilleurs éléments du FBI sur les traces d’Oppi afin de le remettre au travail car, sans lui, l’espoir de terminer la bataille du Pacifique se rallonge de plusieurs années; sans lui, la mise au point de la bombe atomique est plus que compromise. Les fuyards poursuivent leur route vers le Mexique. Ils s’arrêtent à une fête à Memphis. Si cela les rapproche du Mexique, l’idée semble saugrenue avec le KGB, le FBI, la mafia et même le célèbre Eliot Ness à leur poursuite. Il faut dire que l’avenir du monde dépend de cette traque…
A l’image de ce que les artistes et les éditions Delcourt avaient fait en septembre 2021, Los Alamos est le recueil d’un diptyque précédemment paru. On retrouve donc la même intrigue et les mêmes interrogations. Si la première partie est davantage portée par une réflexion scientifique, la seconde est plus portée par l’espionnage et le récit de guerre. Mis bout à bout, cela donne un ouvrage conséquent qui se lit de manière fluide. Les changements de rythme, les péripéties et autres réflexions sont parfaitement intégrés et le tout s’enchaine avec précision. Une nouvelle fois, on retrouve bon nombre de références qui à Easy Rider, qui aux Incorruptibles… et cela confère à l’album une connotation toute particulière. Bien sûr, le blockbuster qui concurrença Barbie en 2023 n’est jamais très loin mais les scénaristes ont privilégié la fiction. Impossible de nier les doutes du scientifique mais, ici, il refuse de plier et la face de la guerre, et du monde, s’en trouve changé. C’est bien une uchronie ! L’ensemble est rehaussé par le trait tendu de Denys. Après avoir été révélé par les Comptines d’Halloween et avoir confirmé avec 7 survivants, le dessinateur livre une copie fort bien léchée. Fidèle au style réaliste, l’accent est mis sur les personnages, leurs émotions, leurs sentiments restant en cela fidèle au scénario. Mais attention, les quelques cases de décor intérieur mais surtout extérieur de très haute facture donnent à l’album une belle cohérence. Au fur et à mesure que le road movie se transforme en chasse à l’homme, le rythme s’accélère. Les personnages gagnent en complexité et en charisme. On a véritablement l’impression que le dessinateur prend en plaisir croissant à dessiner ces albums que le précédent. La réflexion, c’est bien mais rien ne remplace les scènes d’action, courses poursuites ou champ de bataille, qui nous plongent véritablement dans le feu de l’action pour, au final, en ressortir à bout de souffle. L’intérêt de ce genre d’édition spéciale, outre le fait de commémorer l’événement, consiste à ajouter un livret pédagogique. Celui-là se situe en début d’album. Divisé en deux parties, il nous livre une biographie assez précise des deux héros. A tout seigneur, tout honneur ; la première partie est consacrée à Oppenheimer. Partant de sa célèbre citation, on découvre un jeune homme tourmenté ainsi que quelques croquis préparatoires. Personnage fascinant, la seconde partie est construite de façon identique autour de Jack Kérouac.
Il est urgent de se rappeler que l’Homme reste le prédateur ultime y compris pour lui-même. A l’heure où la prolifération des armes atomiques revient sur le devant de la scène, les mots de Robert Oppenheimer et les images des destruction de Nagasaki et Hiroshima ne devraient jamais quitter nos esprits. A travers cette édition spéciale, rappelons nous qu’un autre futur est toujours à notre portée.