Nom de la série : La Belle Espérance
Tome : 2
Scénario : Chantal Van Den Heuvel
Dessin : Anne Teuf
Couleur : Lou
Maison d'édition : Delcourt
Le Front Populaire a gagné ! Les ouvriers ont gagné ! Mais pour Roger, depuis le départ de Louison, l’heure n’est pas à la fête ! Profitant des premiers congés payés, Roger et Louison retombent dans les bras de l’autre. Mais les ligues d’extrême-droite, et les problèmes, rodent toujours… Suite et fin de la magnifique fresque historique autour du Front Populaire vue à hauteur d’hommes et de femmes.
Le front populaire a gagné ! Les discussions ont abouti aux accords de Matignon ! Au Vel d’HIV, Blum et Thorez triomphent ! Dans les usines aussi, on fête la victoire. Mais très rapidement, la discorde s’installe. Faut-il maintenir la pression pour obtenir plus, au risque de tout perdre ? ou se contenter de ces grandes avancées ? Car la droite et surtout l’extrême droite sont toujours en embuscade. Chez Renault, le dilemme se pose aussi et oppose le jeune Roger à Antoine. Il faut dire que Roger est sous pression depuis le départ de Louison. En plus, il a reçu une lettre de Bretagne lui proposant de revenir s’occuper de l’auberge familiale. Là-bas aussi, la pression est intense. Grâce au chantage, Germaine est revenue à l’auberge mais elle est bien décidée à ne plus rien laisser passer à Fernand qui se verrait bien veuf d’ici peu. Toujours aussi vindicative, Louison se fait repérer dans son atelier de couture. Heureusement pour elle, le riche neveu d’une ambassadrice la prend sous son aile et lui propose un poste de mannequin. Tout semble s’arranger en cette année 1936, mais il ne faut jurer de rien, jamais...
Quelque peu oublié des références nationales, le terme de Front populaire est revenu sur le devant de la scène au gré des élections législatives anticipées de juin dernier. Pourtant, bien qu’ayant presque un siècle, cette période de l’entre-deux-guerres a profondément marqué notre société. Convention collective, congés payés et j’en passe ont été imposés par Léon Blum et son gouvernement. Ça, c’est pour la théorie ; mais dans la pratique ? à hauteur d’homme ? C’est ce que Chantal Van Den Heuvel cherche à nous raconter. La scénariste fait un choix audacieux en nous racontant la période à six voix. Un relais de narration qui pourrait perdre le lecteur, mais rassurez-vous, il n’en est rien, bien au contraire. On passe de Louison à Léon Blum, de Roger à Germaine avec une grande fluidité sans jamais être perdu. Il faut dire, qu’en accord avec Anne Teuf, les personnages sont identifiables au premier coup d’œil et qu’il y a toujours une vignette pour nous remettre dans le contexte. C’est extrêmement bien maîtrisé et diablement efficace. C’est ainsi que l’on passe des ors de Matignon aux intérieurs ouvriers, des usines Renault à l’auberge du bord de mer en toute fluidité. Bien évidemment, cela permet aussi aux péripéties d’être nombreuses et variées. À côté de la grande Histoire, il y a tout ce qui arrive aux anonymes qui sont nos héros. Et parfois les deux s’entrechoquent et nous nous retrouvons propulsés du Front populaire au Frente Popular espagnol, en même temps que Louison et Roger. Si le dessin constitue un élément primordial de la narration, c’est globalement un plaisir pour les yeux. Grâce à un trait d’une grande vivacité, Anne Teuf joue sur les deux tableaux. Elle nous montre toute l’intensité de l’époque et le dur combat des ouvriers pour acquérir la dignité. C'est à peine si on peut regretter le traitement plutôt inégal des personnages. Heureusement, le tout est sublimé par une colorisation dans les teintes délavées, signée Lou, qui correspond parfaitement aux impressions qu’on se fait de l’époque.
La belle espérance est tout autant une magnifique évocation des grandes heures du combat ouvrier qu’une superbe aventure humaine. Un diptyque à découvrir d’urgence.