Nom de la série : La dernière maison juste avant la forêt
Scénario : Jean Blaise Djian
Dessin : Regis Loisel
Maison d'édition : Rue de Sèvres
Le soir, au bar du coin, Chez Nanard, Pierrot ne peut s’empêcher d’accoster toutes les jeunes et jolies filles présentes. Il mise tout sur son physique de bellâtre, surtout lorsqu’il se regarde dans un miroir. Malheureusement pour lui, il est le seul à penser avoir un physique exceptionnel, car la vérité est tout autre. Il est tout simplement laid, hideux, avec des oreilles décollées, des dents qui se chevauchent et un visage asymétrique. Pierrot vit très mal cette situation. Non pas qu’il doute de son apparence, mais il ne comprend pas pourquoi les jeunes filles ne tombent pas amoureuses de lui.
Alors, très souvent, il va se recueillir devant la vitrine de lingerie de Lola, et plus particulièrement devant un mannequin dont il aimerait bien qu’elle prenne vie. Demain est un autre jour, et plus particulièrement celui du week-end du 14 juillet. Pierrot est tout excité car, après avoir fait sa tournée de facteur, le tour des bars et salué les clients habituels pour déposer le courrier et accoster quelques jeunes filles sur son passage, il saute dans le tram en direction de chez ses parents pour fêter l’anniversaire de son père.
Dans ce dernier, il se retrouve face à une jeune fille qui ressemble trait pour trait à Lola, le mannequin en plastique de la vitrine. Pierrot est comme fou et ne peut cacher son excitation, d’autant plus que la jeune fille a rendez-vous à La Dernière Maison avant la forêt, la maison des parents de Pierrot. Le jeune homme n’est pas au bout de ses surprises, et les lecteurs non plus.
Cela faisait quelques années que nous n’avions pas vu Maître Loisel reprendre ses pinceaux pour dessiner ses propres histoires, pour la simple raison que les scénarios qu’on lui proposait ne déclenchaient pas en lui cette petite flamme qui lui permettrait de s’évader, de lâcher prise, de partir vers un nouvel univers. C’est alors qu’arrive le scénario de Jean-Blaise Djian, qui a rallumé chez Régis Loisel cette envie de raconter une histoire, de créer de nouveaux personnages (des beaux, des laids, de petites créatures), dans un savoureux mélange entre nature et architecture, et surtout avec une grande liberté graphique : un dessin lâché, presque anarchique, alternant scènes en plein jour et passages dans la pénombre où les mêmes personnages se comportent différemment.
C’est ainsi que les lecteurs vont pouvoir découvrir Pierrot le laid irrésistible, Yvette sa mère au pouvoir vaudou, son père le colonel condamné à rester de marbre, Mimi la prostituée délurée, Gildas Paterne le majordome « britannique », et une multitude de petites créatures, dont Frimousse. Tout ce petit monde va se retrouver pour le 14 juillet dans la grande résidence des « De Cormolan » pour vivre une sorte de vaudeville déjanté.
En effet, il faut être honnête : cette histoire n’a pas de sens et il ne faut pas chercher à en trouver un au fil des 160 pages de l’album, au terme desquelles on arrive essoufflé. Pourtant, le scénario ne manque pas de travail. Régis Loisel propose un découpage magistral où, en quelques cases et par un jeu d’ellipses, l’histoire se déroule avec fluidité. Quant à Djian, son écriture est prenante puisqu’il réussit à mener plusieurs histoires dans l’histoire, où chaque personnage vit sa propre aventure sans qu’aucune ne prenne le dessus sur les autres.
Au final, il faut aborder cet album sans a priori ni attente particulière, mais au contraire savourer chaque détail graphique, chaque note d’humour, chaque interaction entre les personnages, et se laisser embarquer dans cet univers fantastique en mettant totalement de côté toute rationalité.
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