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legrain legrain
1869 : la première grève d'ouvrières 1869 : la première grève d'ouvrières

La fabrique des insurgées

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Nom de la série : La fabrique des insurgées
Titre du Tome: 1869 : la première grève d'ouvrières
Scénario : Bruno Loth
Dessin : Bruno Loth
Maison d'édition : Delcourt

1867, en Ardèche. Camille et Adélaïde quittent leur village natal en direction de Lyon. Leur famille ne s’en sort plus et rejoindre la grande ville c’est l’assurance de trouver un bon emploi dans une filature. Enfin... C’est ce que le curé leur a dit... Mais une fois sur place, la réalité est toute autre... Et quelques années plus tard, une grève éclate ! Un bel hommage graphique à une lutte oubliée mais fondatrice !
 
À travers le destin de Camille et Adélaïde, on découvre en fait le quotidien de nombreuses jeunes femmes de l’époque quittant leur campagne pour servir de main d’œuvre bon marché dans les nombreuses manufactures de Lyon. Pour nos deux jeunes héroïnes, elles sont engagées pour travailler comme ovalistes dans les filatures de soie lyonnaises, c’est-à-dire qu’elles doivent gérer les bobines sur les immenses machines à tisser. Tout ça pour 1 franc 40 de l’heure et 12h de travail quotidien 6 jours sur 7.
Pendant ce temps-là, le père de Camille a été exproprié de sa ferme et son petit frère et sa petite sœur prennent alors la direction de Lyon afin de la retrouver sans connaitre ni son adresse, ni son employeur... Et en s’y rendant à pied, le chemin s’annonce semé d’embûches...
En plus de ces conditions difficiles, les jeunes femmes doivent subir les brimades quotidiennes de leur contremaitre mais aussi reverser une partie de leur salaire au patron qui leur « loue » une place dans un dortoir insalubre... Mais les consciences s’éveillent et la fin de règne de Napoléon III, associé aux idées marxistes qui se diffusent dans le milieu ouvrier, font qu’une grève éclate en 1869.

Bruno Loth nous plonge dans un quotidien fait d’exploitation, de misère et de désillusions. Face aux conditions indignes, les ouvrières se soulèvent, et, leur mouvement, malgré la répression, marquera un tournant dans les luttes féminines et ouvrières du XIXe siècle.
Le scénario est aussi intelligent qu’engagé. Aussi prenant qu’un roman, il permet aussi d’en apprendre beaucoup sur cette grève et sur cette époque grâce à sa rigueur historique (notamment grâce à la documentation des Archives municipales de Lyon). Mais au-delà de la reconstitution fidèle du contexte social et politique de l’époque, l’auteur nous permet de découvrir des personnages attachants comme Camille, cette ouvrière aussi courageuse que déterminée à s'en sortir et à s'occuper de son frère et de sa soeur.

Au niveau du dessin, le choix du noir et blanc s’impose comme une évidence. Le trait fin et maîtrisé de Bruno Loth donne une grande puissance aux visages, où se lisent la fatigue ou la peur, mais aussi aux corps au travail dans ces immenses manufactures dans lesquelles on s’imagine presque immergées dans un énorme boucan.

La Fabrique des insurgées est un hommage et même un outil de mémoire pour toutes celles dont les luttes ont été invisibilisées. Bruno Loth signe une œuvre accessible et essentielle. À lire, à transmettre, à ne pas oublier...

A propos du chroniqueur

Nom d'utilisateur : fanch

Nombre de chroniques publiées : 67