Titre du Tome: La fleur au fusil
En plein Risorgimento, une femme s’élève contre les injustices. Cette femme, c’est Michelina Di Cesare. Héroïne libératrice pour les uns, sorcière et brigande pour les autres, faites-vous votre propre opinion à travers cet excellent album.
1868, les hommes du colonel Caramella escortent des prisonniers. Ces soldats piémontais conduisent des brigands du Sud auprès du général Pallavicini. Il faut dire que, malgré l’unification de l’Italie par Garibaldi et

Victor-Emmanuel II, le Sud de la péninsule est toujours une poudrière refusant le pouvoir et les injustices de Rome. C’est alors que le convoi est stoppé par une jeune femme étendue par terre. Malgré toutes leurs précautions, les soldats du Nord tombent dans une embuscade. Elle est dirigée par Michelina Di Cesare, dans le but de libérer Giovanni, son jeune frère. L’heure est alors aux retrouvailles, aux souvenirs et la fratrie se remémore les causes de la rage qui pousse la jeune femme à la guérilla. Malheureusement, les souvenirs jamais ne durent et pour pouvoir libérer son frère, la passionaria a accumulé des promesses qu’elle va devoir solder…
A l’heure où le cinéma, le théâtre ou le sport sont secoués par les scandales sexuels et la volonté d’égalité entre les hommes et les femmes ; à l’heure où certains misogynes s’arc-boutent sur ce qu’ils pensent rester de leur pouvoir ;
La fleur au fusil nous rappelle qu’il n’a pas fallu attendre Aragon et Jean Ferrat pour apprendre que « la femme est l’avenir de l’homme ». C’est ainsi que l’on plonge en plein

Risorgimento, cette fin du dix-neuvième siècle qui a vu l’unification italienne sous l’égide de Cavour et Victor-Emmanuel II. Pour nous, Français, dont l’unité remonte à l’édit Villers-Cotterêts (siège de la récente cité internationale en langue française) , cette unification a un petit côté romantique. De l’autre côté des Alpes, par contre, dans le Mezzogiorno, cette histoire est marquée par la violence et les injustices. Et une figure symbolise le rejet de cette domination du Nord, Michelina Di Cesare ! À travers cet album, c’est à cette résistante, cette passionaria, que Cédric Mayen rend hommage. Il y a bien l’intéressante postface signée Marguerita Balzerain, la directrice du Louvre-Lens mais c’est bien sa biographie qui tient le haut du pavé. Plutôt que de nous la présenter de manière chronologique, le scénariste préfère dérouler ses derniers faits d’armes et, à travers eux, raconter des flashbacks qui vont éclairer le lecteur sur la personnalité, les choix et les actes de cette brigantessa. On y découvre une femme que la vie, et surtout le patriarcat, a rudement éprouvée mais une femme forte qui, grâce à ses connaissances et à son tempérament, réussit à prendre le commandement de la bande de Francesco Guerra. C’est tout à la fois extrêmement détaillé et très bien construit : aucun temps mort, car les fusillades succèdent aux interrogatoires musclés et autres trahisons avec une grande fluidité. Pour mettre en image cette héroïne italienne pour les uns, sorcière-criminelle pour

les autres ; qui de mieux qu’un artiste transalpin ? C’est donc Cristiano Crescenzi qui réussit le tour de force de ne, presque, pas prendre parti. S’inspirant des grands westerns spaghetti, le dessinateur nous propose une œuvre riche et élégante. La finesse du trait n’a d’égale que la variété et la justesse des cadrages. La mise en page ne souffre d’aucun manque d’originalité et fait une belle place aux grandes, aux très grandes vignettes.
Héroïne défenseure du peuple ou criminel sorcière ; c’est à vous, lecteur, de faire votre choix à la lecture de cet excellent
La fleur au fusil.