Nom de la série : La fleur des absents
Scénario : John Moore
Dessin : Neetols
Couleur : Neetols
Maison d'édition : casterman
Les éditions Casterman nous proposent une nouvelle bd en one-shot, intitulée "La Fleur des absents". Un récit sensible et lumineux, où l’imaginaire se mêle à l’intime, pour parler de deuil, d’identité et d’adolescence avec une justesse bouleversante.
Il y a des récits qui abordent le deuil de biais, avec pudeur et délicatesse, et d’autres qui osent donner un visage presque concret à l’absence. La Fleur des absents appartient à cette seconde catégorie, et en fait sa force.
On y suit Damian, adolescent discret, encore cabossé par la perte de sa mère et par un quotidien familial éclaté. Le lycée n’est pas un refuge, bien au contraire : il y traîne l’étiquette du nouveau, avec tout ce que cela suppose de solitude et de maladresse. C’est alors qu’il découvre l’existence d’une étrange fleur, capable d’offrir la possibilité de faire revenir, l’espace d’un instant, une personne disparue. Il pense alors retrouver celle qui lui manque le plus. Après de nombreux sacrifices pour s'en procurer une, il se rend au monument dédié à sa mémoire et tente de l'invoque. À ce moment, on s’attend à voir renaître une figure maternelle rassurante… Mais c’est Saskia, une jeune fille à la personnalité affirmée et aux zones d’ombre épaisses, qui surgit. Ce point de départ, presque fantastique, déclenche un récit où l’adolescence et le surnaturel se mêlent sans jamais perdre de vue l’essentiel : parler de ceux qui restent, de ceux qui portent les absents comme une cicatrice invisible. Damian et Saskia se découvrent, s’affrontent, se rapprochent, comme deux miroirs cabossés où se reflètent les mêmes blessures.
Graphiquement, le trait de Neetols se veut direct, lisible, sans surcharge. Le dessin privilégie la fluidité de lecture, avec des visages expressifs qui traduisent plus les émotions brutes que les détails réalistes. Les couleurs jouent un rôle important : elles installent une ambiance douce, parfois mélancolique, parfois presque lumineuse, comme pour suggérer l’équilibre fragile entre douleur et renaissance.
Narrativement, John Moore construit un récit dense, parfois foisonnant. L’album brasse plusieurs thématiques fortes — le deuil, le harcèlement, l’identité, la famille recomposée — au risque de frôler la dispersion. Mais cette richesse, même un peu débordante, contribue à l’authenticité du propos : l’adolescence, elle aussi, est un âge où tout se bouscule, où rien n’est simple ni linéaire.
Ce qui marque surtout, c’est la sincérité du projet. À travers la métaphore de cette fleur impossible, l’histoire dit quelque chose de juste sur le besoin irrépressible de retrouver ceux qui manquent, mais aussi sur la nécessité d’accepter leur absence pour continuer à vivre.
La Fleur des absents est un roman graphique sensible, imparfait, mais profondément touchant, qui parle autant aux adolescents qu’aux adultes. Un récit où l’imaginaire sert de passerelle vers l’intime, et où chaque page semble porter ce message discret : la mémoire des absents n’empêche pas de se construire, elle nourrit ce que nous devenons.