Là où gisait le corps

Un homme est retrouvé mort sur le trottoir de Pelican Road. Pas d’indices, pas de témoins mais malgré tout, tous les habitants du quartier ont leur version des faits et quelque chose à dire. C’est maintenant au lecteur de faire le tri pour trouver le coupable. Un récit original et inhabituel orchestré par Ed Brubaker et Sean Phillips.
 
 
Tout a commencé à la pension de famille dans la quartier de Pelican Road où après le décès de son mari, la propriétaire ne souhaitant pas rester seule a proposé à des beatniks et hippies de s’installer chez elle. A sa mort en 1982, la maison est devenue un bien délabré que les héritiers se déchirent malgré tout. Mais en attendant la vente, cette maison est squattée par un neveu et un bon nombre de bons à rien continuent d’investir les lieux. C’est à cette date que démarre notre histoire sous les yeux de la voisine d’en face qui ne peut que constater les dégâts du temps sur elle et sur ce bien. Ce jour-là, trois jeunes gens se disputent devant la maison. Sid, un copain du neveu en vient aux mains avec son ex petite amie Karina. Tommy le neveu tente de s’interposer et les deux garçons entament une bagarre dont Tommy n’est pas à la hauteur. Heureusement pour lui, l’inspecteur Palmer passait par là. Après avoir sorti sa plaque, il prend à partie le jeune Sid et lui fait comprendre à sa manière qu’il a plutôt intérêt à quitter rapidement cette maison. Non loin de là, la scène est observée par Toni Melville, une épouse délaissée qui est sous le charme de chaque mouvement réalisé par son voisin de quartier, l’inspecteur Palmer. Ils ne tarderont pas à se retrouver quelques heures plus tard pour partager leurs petits secrets.
 

A la lecture des premières pages, l’inspecteur Palmer est mis au-devant de la scène, portant à croire qu’il va être le personnage principal autour d’une enquête policière. On attend donc le meurtre avec impatience d’autant que l’inspecteur a un charisme qui laisse penser qu’il va y avoir de l’action. Mais c’est mal connaître le duo d’auteurs Ed Brubaker et Sean Philips (également auteurs de Fondu au noir, Criminal, Reckless ou encore Kill or be Killed) qui aiment donner dans leurs histoires un rôle important aux relations humaines  et aux ambiances aussi noires que glauques.
Ainsi, un cadavre va être découvert au milieu de la rue dans un quartier pavillonnaire où se côtoient une bonne dizaine de protagonistes. Ed Brubaker va alors confier l’enquête non pas à la police mais tout simplement à un narrateur et par extension au lecteur. Après quelques hésitations et incompréhension, les lecteurs vont être plongés dans un génialissime scénario avec une construction des plus prenantes. Le narrateur ne va pas mener son enquête en posant des questions mais tout simplement, il va passer d’un personnage à l’autre où chacun va donner sa version des faits, sa vision des choses, décliner son parcours, sa vie, des flash-backs dans le passé, dans le futur. Les lecteurs vont ainsi passer de la petite fille qui se prend pour un super héros au SDF Ranko qui traîne dans la rue, en passant par la femme au foyer et son mari accaparé par son travail ou bien encore par la commère du quartier. A travers tous ces personnages, la mission est à charge des lecteurs de démêler les informations importantes pour arriver à une conclusion en fin d’album des plus surprenantes sur la résolution de ce meurtre.
 

Le dessin de Sean Phillips est égal à lui-même, clair, sans détails inutiles, un coup de chapeau à son découpage qui est très lisible malgré la complexité du scénario et de l’intervention de tous ces personnages.
Pour tous ceux qui aiment les histoires construites par Ed Brubaker et Sean Phillips, vous pouvez foncer tête baissée, vous ne serez pas déçus.