La planète aux cauchemars

Lorsqu’elle arrive sur Innsmüt, Eva Orne ignore tout de cette planète oubliée. Rapidement, elle découvre les causes de cette amnésie collective mais tout doucement ses rêves semblent prendre vie.
Mathieu Sapin et Patrick Pion adaptent une autre nouvelle d’HP Lovecraft avec originalité et brio !
 
À l'aéroport de Newburyport, la jolie Eva Orne se renseigne sur comment se rendre sur Arkam. Elle doit rendre visite à de la famille mais le prix du billet est exorbitant. Le guichetier lui propose alors de voyager sur la barge. Cela coûte un tiers du prix, c’est plus lent mais surtout elle fera escale sur Innsmüt et Innsmüt est un coin qui n'a pas très bonne réputation. La jeune femme ne fait ni une ni deux et prend un billet. C'est à peine si elle écoute les conseils de retarder son départ d'une journée afin de ne pas séjourner chez Gilman, le seul et unique hôtel d'Innsmüt. Elle profite donc de sa soirée pour effectuer des recherches sur cette planète plutôt étrange. Le lendemain, elle est la seule à embarquer à bord de la barge et, à peine débarquée, elle comprend mieux les commentaires négatifs. Le seul visage souriant qu’elle rencontre est celui d'un commerçant originaire d'Arkam qui lui déconseille de se balader seule. Malheureusement pour Eva, un problème mécanique empêche la barge de repartir. Elle est donc contrainte de passer la nuit à l'hôtel Gilman et là, ses cauchemars semblent prendre vie. Mais Eva n'est pourtant pas encore au bout de ses surprises…

Entre Mathieu Sapin, Patrick Pion et HP Lovecraft, l'histoire d'amour semble se prolonger. Après avoir adapté avec succès Les rêves dans la maison de la sorcière, le duo français se lance dans celle du Cauchemar d'Innsmouth. Seulement, cette fois-ci, oublié l'Angleterre les années 30, le scénariste déplace son intrigue dans le futur et dans l'espace. Dire que cela confère à l'histoire une autre dimension relèverai du jeu de mot spatial mais la vérité n’est tout de même pas si éloignée. C'est ainsi que Mathieu Sapin débute cette aventure par la fin : il nous met ainsi l'eau à la bouche d'autant que les premières planches, muettes, de Patrick Pion sont totalement intrigantes. Par la suite, l'histoire retrouve son cours normal et notre premier contact avec l'héroïne se fait au comptoir d’une aérogare spatiale. Dès ses premiers mots, elle inspire la sympathie tant elle démontre une capacité à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Sous un prétexte financier, elle se rend sur une planète qui, après avoir connu la richesse, se retrouve mise de côté. C'est alors que Eva Orne va nous montrer son côté obscur, ou plutôt son aspect énigmatique : pourquoi s'intéresse telle autant à Innsmüt ? À quoi correspondent ses cauchemars ? Autant de questions qui titillent encore l'intérêt du lecteur.
Dès qu'il est question de science-fiction, les influences picturales sont innombrables et Patrick Pion ne fait pas exception mais plutôt que de les copier, ils s’en nourri afin de créer son propre univers à la fois excentrique, original et très captivant. Je ne reviendrai pas sur les premières planches, à peine ajouterais-je qu'elles donnent le ton de l'album. Par la suite, on s'identifie rapidement à Éva, cette réincarnation d'Hélène Replay avec qui elle partage un petit quelque chose. Et puis, il y a quelques planches qui vous font sombrer quand elles sont somptueuses. Si vous ne me croyez pas, ouvrez juste l'album entre les pages 42 et 45 et je vous promets que vous prendrez un aller simple pour Innsmüt !

Seul bémol de ma part, une fin extrêmement brutale et les mots « histoire complète » sur la quatrième de couverture mais nul doute que les éditions Rue de sèvres nous ont déjà concoctés une suite et, si elle est du même acabit, ce sera évidemment un carton!