Nom de la série : Le crétin qui a gagné la Guerre Froide
Scénario : Jean-Yves LE NAOUR
Dessin : Cédrick LE BIHAN
Couleur : Cédrick LE BIHAN
Maison d'édtion : Grand Angle
Janvier 2025, Donald Trump prête serment pour la seconde fois. Janvier 1981, Ronald Reagan devient le 40e président des Etats Unis. Si 44 ans séparent ces deux événements, la méthode pour conquérir le pouvoir est identique. Et les questions aussi ! Jean-Yves Le Naour et Cedrick Le Bihan romancent, un peu, les mandats du président qui remporta la guerre froide. Les résultats est simplement génial!
Juillet 1980, la Convention républicaine n’est pas encore terminée que, déjà, certains délégués s’interrogent sur le nouveau candidat. Parmi eux, l’ancien président Gérald Ford jure ne jamais « vouloir être dans l’ombre de ce clown ». Cet homme, c’est Ronald Reagan ! Une belle allure, des mots simples et toujours une histoire drôle dans la besace, voilà comment l’ancien acteur de Western est devenu le candidat républicain. Lors du débat contre le président sortant Jimmy Carter, ce sont les mêmes ficelles qui sont de nouveau utilisées. Et contre toute attente, cela marche !! Reagan remporte 44 États sur 51. Mais, avant même la passation de pouvoir, le président élu préfère faire la grasse matinée plutôt que de prendre en ligne son prédécesseur. Une fois installé, rien ne s’arrange ! Sur le plan économique, il se laisse convaincre par les Chicago Boys de laisser faire le marché et donc de réduire les impôts et les programmes fédéraux. Mais à l’international, il réactive la guerre froide par une relance de la course aux armements très onéreuse. Son projet : la guerre des étoiles avec des rayons lasers qui détruiraient les missiles soviétiques. Et pour faire passer la pilule, rien de mieux qu’une anecdote hollywoodienne. Pour ces interlocuteurs, c’est toujours la même question : « Reagan est-il un génie ou un sombre crétin ? »
Il faut rendre à César ce qui lui appartient. Si le slogan MAGA a été popularisé par Donald Trump, le premier à l’avoir utilisé est Ronald Reagan. Et, bien qu’il s’en défende (on comprend d’ailleurs pourquoi en lisant cet album), il y a bon nombre de similitudes entre les deux présidents. Mais ne grillons pas les étapes ! L’album s’ouvre sur la Convention républicaine de 1980. Parmi les délégués, de nombreux doutes émergent déjà. Pourtant, force est de constater que le candidat est « fort quand même ! ». Rapidement, le personnage se précise : il préfère regarder un de ses anciens films plutôt que de préparer le débat contre Carter. Et pourtant, grâce à 2 ou 3 formules bien senties, à quelques punchlines, il réussit à faire oublier son incompétence et à la rejeter sur son adversaire. Une fois élu, il se rallie à la chapelle la plus convaincante. Sa seule grande idée : la guerre des étoiles ! Un projet hollywoodien qu’il défendra bec et ongles ; qui lui vaudra la une de Times et qui précipitera le monde au bord d’une apocalypse nucléaire. Bien sûr, cette histoire est, légérement, romancée. Rien ne prouve que le 40e président des États-Unis se soit comporté de cette façon. Et que ces interlocuteurs aient eu ces pensées ! La force de Jean-Yves Le Naour, c’est de mélanger avec brio les faits véridiques à ceux qui sont vraisemblables, les événements publics à ceux privés. L’historien vulgarisateur joue à Julian Assange : il révèle des secrets d’État, si crédibles qu’on a envie d’y croire. Il faut toutefois une bonne dose de culture historique pour saisir toutes les subtilités de l’intrigue ; sinon on se laisse bercer par les plaisanteries jusqu’à l’overdose. Côté dessin, Cédrick Le Bihan fait le choix d’un trait réaliste très convaincant. Depuis Dans l’ombre, le dessinateur est un habitué des coulisses et des arcanes du pouvoir. Il offre aux personnages de vraies tronches d’acteurs, multipliant les gros plans liés aux réactions, accentuant la gestuelle et laissant beaucoup de place au dialogue. Le véritable élément marquant tient dans la colorisation qui regarde du côté de Lichtenstein. Cela permet de mêler le fond à la forme et c’est indubitablement une réussite.
Cet album nous permet de comprendre l’ascension et le succès de Ronald Reagan et, par effet de miroir, ceux de Donald Trump. Mais c’est surtout une dystopie, ou du moins on l’espère, agréable à lire, souvent assez drole et au final totalement effrayante !