Nom de la série : Le livre sans nom
Tome : 1
Scénario : Koe
Dessin : Yello
Maison d'édition : Sonatine COMIX
Plongée sanglante et jubilatoire dans Santa Mondega : Le Livre sans nom revient en BD chez Sonatine, une adaptation aussi nerveuse que fidèle à l’esprit culte du roman.
Le pari était osé : adapter en bande dessinée le roman culte de la saga Le Livre sans nom, célèbre pour son mélange déjanté de polar sanglant, d’humour noir et de références pop.
On retrouve Santa Mondega, cette ville fictive où les flingues parlent plus vite que les hommes, où un mystérieux tueur décime tous ceux qui ont eu la mauvaise idée de lire un certain livre maudit, et où les flics ne sont pas beaucoup plus nets que les criminels qu’ils traquent.
Koe’ s’occupe de retranscrire la folie narrative du roman, pendant que Yello, au dessin, donne chair à ce chaos organisé : un western urbain mâtiné de fantastique, où chaque planche transpire le bourbon, la sueur et la poudre.
La première réussite de cette adaptation tient à son atmosphère. Le duo d’auteurs a compris que l’essence du roman repose sur le décalage : un mélange de violence outrancière et de dérision constante. La BD garde ce ton grinçant, presque jouissif, sans tomber dans la caricature. On y retrouve cette impression d’assister à un film de Tarantino ou de Robert Rodriguez, mais sur papier.
Yello opte pour un trait vif, anguleux, expressif : les visages sont tendus, les ombres appuyées, les contrastes violents. La colorisation accentue les ambiances nocturnes et les explosions de sang. C’est cru, visuel, parfois brutal, mais toujours lisible. Le découpage est énergique, souvent cinématographique, ce qui donne un vrai rythme à la lecture.
Koe’ ne se contente pas d’un copier-coller du texte : il restructure intelligemment la narration pour l’adapter au format BD. Certains arcs sont condensés, d’autres légèrement réécrits, mais l’esprit du roman reste intact : cynique, déjanté et imprévisible.
L’humour noir, les dialogues crus et la violence graphique sont assumés, mais ne plairont pas à tout le monde. L’univers est volontairement outrancier ; il faut adhérer au délire pour apprécier pleinement l’expérience.
Les fans du Livre sans nom seront aux anges ; les néophytes, eux, risquent de se sentir un peu perdus. L’histoire démarre sans introduction, comme si le lecteur connaissait déjà les codes de Santa Mondega. Un court préambule ou une mise en contexte aurait sans doute permis d’élargir le public.
Cette adaptation du Livre sans nom réussit là où beaucoup échouent : elle ne trahit pas son matériau d’origine tout en exploitant les codes du neuvième art. C’est une œuvre pleine de personnalité, violente, drôle, excessivement pop et parfaitement assumée.
Mais c’est aussi une BD exigeante : elle s’adresse avant tout à ceux qui aiment les univers barrés, les dialogues acides et les ambiances de bar louche à minuit.
Koe’ et Yello signent une adaptation musclée et jubilatoire du Livre sans nom. Ce n’est pas une simple transposition : c’est une relecture graphique, brutale et sincère, qui respecte l’âme du roman tout en affirmant une identité visuelle forte.
On ressort de cette lecture un peu sonnée, souvent hilare, et avec l’impression d’avoir traversé une fusillade dessinée.
Un conseil : lisez-le avec un bon verre (d'eau bien sûr) et le cerveau débranché. C’est comme ça qu’il se savoure.