le spectateur

Scenario : Theo Grosjean
Dessin : Theo Grosjean
Couleurs : Theo Grosjean
Éditions : Soleil collection noctambule
note : coup de coeur 

 

Le spectateur est une œuvre dense, intense et poignante plaçant le lecteur au rang de spectateur. Ici Théo Grosjean prend le parti pris de la vue subjective et nous place au cœur du récit. Il nous invite à partager la vie de Samuel, un jeune garçon plongé depuis sa naissance dans un mutisme inexplicable. Un roman graphique sombre et singulier qui ne laisse pas indifférent.

 

Les premières planches nous invitent à assister à la naissance de Samuel. Mais dès sa venu au monde, il s'avère qu'il est différent incapable de sortir un cri, plongé dans un mutisme qui donne froid dans le dos à ses parents. Très tôt, son sens accru de l’observation et son mutisme mettent ses parents mal à l'aise. C'est pourquoi, ils décident de l'emmener consulter un spécialiste. Après des examens complets, il s'avère que sa physiologie est tout ce qu'il y a de plus normal, en effet, le jeune garçon possède toutes les prédispositions physiques qui lui permettraient de parler, pourtant, tous au long de sa vie, il sera dans l'incapacité de prononcer un mot. Depuis son plus jeune âge, pour combler cet handicap, il exprime son ressenti par le biais du dessin. Un jour, alors qu'il n'est encore qu'un bébé, il surprend son père en train de tromper sa mère avec une autre femme dans le lit conjugal et en fait un dessin. Cet événement sera le déclencheur du divorce de ses parents.il est alors placé sous la garde de sa mère, qui décèdera rapidement des suites d’un accident sur la voie publique, avant d’être récupéré par Antoine son papa, qui ne se gênera pas pour lui faire comprendre qu'il est loin d'être le modèle de fils qu'il aurait espéré. Theo grosjean nous invite avec ce récit à contempler le monde au travers les yeux de Samuel. Un parti pris graphique et narratif très intéressant qui n'est pas sans rappeler les jeux vidéo en fps permettant une meilleure immersion. Le Spectateur est ainsi un album sur l’exercice du regard, le regard que les autres portent sur nous et que nous portons sur nous même. Le graphisme quant à lui n'est pas en reste et viens vraiment souligner le propos. Ici, l'auteur construit ses pages selon le principe du gaufrier, à raison de six cases par page. Son dessin semi-réaliste est riche en détails, en décalage avec la noirceur du propos, mais parvenant tout de même à nous mettre mal à l'aise. Il en va de même du choix des couleurs (bleus et gris), une palette de couleurs froides qui collent bien à l’humour, noir et grinçant, du roman. "Le Spectateur" peut ainsi déstabiliser, voire déranger. Un album qui fait froid dans le dos et qui questionne sur des thématiques forte comme :la mort, la différence, la passivité face au destin ou la violence de la société. Un ouvrage d’une densité remarquable, poignant articulé autour d’un personnage attachant, sombre et percutant. Un album surprenant au titre évocateur que je vous recommande fortement, un véritable coup de cœur.