Titre du Tome: LES ANGES D'AUSCHWITZ
Derrière la fenêtre de sa maison, le petit David attend avec impatience le retour de son père. Dehors dans les rues de Varsovie, il fait froid, il neige et seules les prières et l’invocation des anges permettent à David de contenir son espoir. C’est alors que son père sort de la nuit noire et revient à la maison après sa journée de travail à l’usine. Les anges ont exhaussé ses prières. Quelques années plus tard, c’est invasion allemande et la création du ghetto de Varsovie. Les juifs sont déportés et la famille de David, alors devenu adulte, n’échappe pas à la règle, direction Auschwitz pour le début de l’horreur. Les humiliations, le froid, les restrictions alimentaires, les châtiments, la mort font partie du quotidien de David. Chaque prisonnier a sa propre logique de survie. David se souvient de cette période où, petit garçon, il invoquait les anges qui lui faisaient garder espoir. Il est tellement persuadé de leur existence et de leur pouvoir qu’il n’hésite pas à en parler pour donner de la force à son entourage. Mais c’est surtout dans les oreilles de Karsten, le commandant du camp, que cette rumeur de présence d’anges va résonner. Lui aussi semble perturbé par la situation car son seul objectif est d’exterminer un maximum de juifs pour que la guerre se termine au plus vite afin qu’il puisse retrouver rapidement sa famille et son fils. Il ne faudrait pas que des anges viennent perturber son plan de marche.
Les premières lignes rédigées par Stephen Desberg donnent le ton et l’état d’esprit avec lequel l’auteur va aborder le sujet. L’idée n’était pas de faire un énième album sur les camps de concentration et sur Auschwitz mais bien d’aborder le sujet sous un autre angle. Certes il est impossible de faire l’impasse sur les horreurs des actes, la folie meurtrière des SS, la violence, la survie, autant de sujets largement évoqués dans cet ouvrage de manière nette et précise, mais derrière chaque action, il reste quelque chose et ce quelque chose ressemble à de l’espoir.
Chaque protagoniste, qu’il soit juif ou SS, a le même sentiment, celui de devoir subir une situation qu’il ne maîtrise pas et seul l’espoir et les croyances lui permettent d’imaginer que tout ceci n’est qu’un cauchemar et qu’il va bientôt pouvoir rejoindre ses proches.
On ne peut que féliciter Desberg pour son travail d’approche et l’étude de ses personnages. Ses protagonistes jouent un véritable rôle d’acteur et font transparaître très précisément les intentions du scénariste. Force est de constater que la collaboration avec le dessinateur Emilio Van Der Zuiden a fonctionné à merveille puisque le message est passé. Il est d’ailleurs étonnant de retrouver ce dessinateur dans ce registre bien loin des bolides et des enquêtes policières loufoques. Emilio est sorti de sa zone de confort pour nous offrir un très bel ouvrage avec un dessin posé, un rythme adapté au récit, des personnages expressifs, un respect du scénario touchant mais qui fait froid dans le dos. Il est également important de souligner le travail du coloriste Fabien Alquier qui par ses couleurs brunes et ocres maintient une emprise constante de la situation jusqu’à l’épilogue.
Un bel ouvrage que nous ne pouvons que vous conseiller.