Nom de la série : Les arêtes de poisson
Scénario : Mickaël MIGNET
Dessin : Serge ANNEQUIN
Couleur : Serge ANNEQUIN
Maison d'édition : Paquet
De la ville de Lyon, on connait les incontournables bouchons, la gastronomie et les collines de Fourvière et de la Croix Rousse. Il va falloir désormais compter avec son patrimoine souterrain : les arrêtes de poisson. A travers ce roman graphique, le lecteur plonge dans ces catacombes à la recherche de leurs origines et de leur utilisation. Une enquête qui ravira tous les curieux.
En cette saison estivale, lorsqu’on parle de Lyon, c’est surtout pour évoquer les sempiternels bouchons au niveau du mythique tunnel de Fourvière. Par temps de canicule, d’autres évoqueront les températures infernales sur la place Bellecour. Pour d’autres enfin, « l’ADN de cette ville se trouve dans ses souterrains » ! Ces derniers ont commencé à faire parler d’eux en 1930, lors de l’effondrement d’une partie de la colline de Fourvière. Durant tout le XXe siècle, la capitale des Gaules va connaitre des découvertes et des rebondissements sur ce qui va être appelé « les arêtes de poissons ». Ce n’est pourtant qu’à partir des années 1980 que les véritables recherches scientifiques vont démarrer. Sous l’impulsion de cataphiles enhardis, les services archéologiques de la ville vont cartographier ces réseaux et chercher à comprendre. C’est aussi l’époque des théories les plus farfelues et jamais étayées, si ce n’est sur des légendes. Tout cela fait apparaitre un sentiment de mystère et de complotisme avant l’heure. Pourtant, il faut bien l’avouer, aujourd’hui encore, les arêtes de poisson restent un mystère…
N'en déplaise aux tenants du Nouveau Roman, le héros est toujours bien présent en ce XXIe siècle. Pourtant, à la lecture de ce roman graphique, aucun nom ne s’imprime dans la mémoire du lecteur. Et pour cause, le véritable personnage central n’est autre qu’un mystérieux souterrain lyonnais. Si l’album s’ouvre à l’époque contemporaine, c’est pour mieux nous renvoyer, très rapidement, vers le passé. Cet album, c’est une enquête sur les origines et la fonction de ces galeries souterraines. Au rythme des accidents et des visites illégales, les arêtes de poisson vont se dévoiler. En filigrane, Mickael Mignet nous raconte également les progrès de l’archéologie cataphile. C’est ainsi qu’on suit une série de personnages qui vont explorer les méandres des souterrains, dans toutes les sens du terme. Le choix du scénariste tranche malgré tout avec la volonté d’objectivité scientifique assumée car les cataphiles ne sont pas dans les alcôves ni du pouvoir ni de la science. Pour eux, les archéologues ne vont jamais assez vites, jamais assez loin. Pire, s’ils ne formulent aucune réponse, ce n’est pas parce qu’ils ne savent pas mais parce qu’ils cachent ce qu’ils savent. Le complotisme n’est jamais très loin et il prend une forme plus terre à terre qu’outre atlantique. Certes, ce n’est pas l’essentiel de l’intrigue mais c’est aussi éclairant que dérangeant. D’autant que l’enquête nous laisse un peu sur notre faim. Malgré les quelques 130 pages que constituent l’album, les arêtes de poisson restent un mystère. Bien sûr, cela aiguise la curiosité du lecteur et pousse à en savoir plus et surtout à se faire sa propre idée. Coté dessin, les choix de Serge Annequin sont assumés et judicieux. Afin de rendre l’atmosphère énigmatique qui règne dans ces cavités et dans le petit monde des cataphiles, le dessinateur coloriste donne des teintes fantomatiques à ses personnages. C’est extrêmement surprenant mais cela n’enlève en rien à l’expressivité et au charisme des personnages. Une nouvelle fois, ils ne sont pas au cœur de l’intrigue. Les arêtes de poisson, en revanche, ont droit à un traitement réaliste plus efficace. En ce qui concerne la mise en page, elle fait la part belle aux dialogues avec des vignettes en gros plan qui s’enchainent rapidement mais aussi grâce à des inserts ronds, des sortes de bulles, qui accélèrent encore le rythme. On aurait pu craindre qu’avec ses couleurs blêmes, le lecteur ait du mal à identifier les flashbacks. Pourtant, grâce à des couleurs légèrement différentes et surtout à des traits plus légers, il n’en est rien et la lecture reste d’une grande fluidité.
Grace à des choix scénaristiques et artistiques forts et judicieux, ce roman graphique vulgarise avec brio la recherche archéologiques, et en particulier celle des souterrains. Un album qui s’adresse à tous les curieux.