Nom de la série : Les fantômes du Mont Blanc
Scénario : Phicil
Dessin : Phicil
Couleur : Phicil
Maison d'édtion : Delcourt
Lorsque Bernie le Bouvier Bernois arrive chez Walter, il est loin de se douter qu’il va tomber nez à nez avec des fantômes. Amnésiques, ils comptent sur le chien des alpages pour retrouver leurs souvenirs et réparer ce qui peut l’être. Phicil signe un conte pour adulte extrêmement réussi !
Ève est mutée dans une nouvelle école, en ville. Elle va devoir déménager dans un petit appartement et elle est contrainte de se séparer de son chien Bernie, le Bouvier Bernois. Elle lui a donc trouvé un nouveau compagnon très gentil en la personne de Walter Weiss. Horloger, amateur de mécanique de précision, ce nouveau maître aime les choses bien ordonnées. Il entreprend donc une, longue, liste de règles à respecter lorsque Bernie, comme hypnotisé, plonge sa truffe dans un bosquet et tombe nez à nez avec une sorte de sorcière à tête de squelette de bouquetin. Par la suite, Bernie arrive dans sa nouvelle maison. Il fait le tour du propriétaire afin de familiariser avec les nouveaux objets et tombe en arrêt devant la photo d’une jeune femme avec un petit chien dans les bras. Épuisé, Walter va se coucher, non sans avoir rappelé la règle 28 : « dormir en bas pour monter la garde ! ». C’est alors que le monstre réapparaît, bientôt suivi du mystérieux petit chien et de sa maîtresse, qui semblent avoir inexplicablement perdu la mémoire ! Peut-être la solution se situe elle dans la boutique d'en face, à la fabrique des souvenirs ?...
En cette période d’Halloween, Les fantômes du Mont-Blanc laisse peu de doutes quant au sujet. Et pourtant, la couverture n’est pas si explicite ! C’est alors qu’on ouvre l’album et qu’on tombe sur de superbes paysages enneigés auxquels viennent s’ajouter des vers de Lamartine. Grâce à un rétrécissement de champ, on se recentre sur une voiture, puis sur ses occupants et on comprend que le narrateur sera un chien : Bernie, le Bouvier Bernois (il tient à son patronyme !). Trop encombrant pour la nouvelle vie d’Eve sa maitresse-maitresse, il est confié à Walter Weiss, horloger dans la petite ville de Saint-Germain (plutôt facile à reconnaître). C’est alors que les fantômes vont apparaître sous les traits d’une jeune fille et de son petit chien. Amnésiques, ils découvrent leur photo sur un mur du domicile de Walter. Débute alors une longue quête de souvenirs où vont se mêler histoire familiale, déportation et holocauste, histoire d’amour et mondes parallèles. Grâce aux rêves de Walter et à de nombreuses visites dans des lieux emblématiques de la ville, Edèle (c’est le nom de la jeune fille) va reconstruire son histoire familiale faite de pogroms, de fuites et d’extermination. C’est peut-être là le seul point négatif de la narration. Pourquoi parler de Taliens et d’Arlomands quand les références à la 2nde Guerre mondiale sont si frappantes ? En arrière-plan, on suit aussi l’amour d’Edèle et de Walter, un amour rendu compliqué par les circonstances mais un amour plus fort que la mort. Côté dessin, Phicil fait le choix d’un trait semi réaliste, complètement en adéquation avec le ton fantastique. Les décors sont somptueux de réalisme. Les inserts fantastiques sont franchement décalés avec un satisfecit particulier à l’hôtel des mémoires perdues (digne de celui de Shining) et à l’incarnation de la mort avec son masque anti-peste tout droit sorti du carnaval de Venise. Les traits des personnages virent davantage vers la caricature renforçant en cela leur expressivité. Les diverses temporalités sont gérées de façon judicieuse et tout en douceur, sans bouleversement de style ou de couleurs. La colorisation, d’ailleurs, s’effectue dans des teintes douces, souvent dans des camaïeux d’ocre parfaitement en lien avec le côté conte pour adultes.
Les fantômes du Mont Blanc est donc un ouvrage historique, matinée d’une touche fantastique et un soupçon de romance. Un récit à savourer au coin du feu sans modération.