Nom de la série : Les gorilles du général
Tome : 1
Titre du Tome: Septembre 1959
Scénario : Xavier DORISON
Dessin : Julien TELO
Couleur : Gaétan GEORGES
Maison d'édtion : Casterman
De retour au pouvoir pour sortir la France du bourbier algérien, le général De Gaulle devient vite la personnalité la plus menacée de France. Ses gardes du corps sont sur les dents surtout qu'ils doivent intégrer un nouveau formé par le FBI. Est-ce que la mayonnaise va prendre ? Une intrigue de haute volée signé d’un Xavier Dorison et spectaculairement mise en image par un Julien Telo très inspiré, cet album est un vrai coup de cœur !
1958, la France est embourbée dans ce que les politiques de l’époque nomment pudiquement « les événements d’Algérie ». L’instabilité politique est telle que le président René Coty rappelle le Sauveur de la France, le général De Gaulle. Entré à l’Élysée, le nouveau président devient rapidement le dirigeant le plus menacé de son époque. Pour assurer sa sécurité, il rappelle ceux qui exerçaient déjà ce rôle après guerre. Rapidement l’un d’entre eux est démissionné. C’est le jeune Max Milan, ancien parachutiste formé par le FBI, qui est chargé d’évaluer le service et de l’adapter aux nouvelles menaces. Rapidement, le jeune prodige comprend que les gorilles ressemblent plus à des videurs de boîtes de nuit qu’à de véritables gardes du corps. Rapidement, les gorilles prennent en grippe ce blanc-bec prétentieux. Rapidement, tous se retrouvent à devoir suivre les frasques quotidiennes de Pépère. Mais c’est surtout Max Milan qui comprend qu’assurer la sécurité de De Gaulle, c’est aussi nettoyer la merde afin qu’elle n’éclabousse pas le général. Seulement, est-il prêt à se salir les mains ? Pour cela, il pourra compter sur le soutien des gorilles du général…
Annoncé à grand renfort de publicité, cet album était très attendu. Avec son fond jaune, ces trois hommes de l’ombre et ce quatrième en complet bleu dans la lumière, il a une couverture qui en impose. Pour le coup, j’oublie le sticker qui réduit Xavier Dorison au Château des animaux. L’effet Tontons flingueurs est immédiat et corroboré par le titre. À l’ouverture, le scénariste prend soin de préciser que cette histoire s’inspire de la réalité mais qu’elle n’est que le fruit de son imagination. De fait, l’album nous divulgâche à moitié la fin puisqu’il s’ouvre sur le décès et l’enterrement de De Gaulle. Ce prologue, c'est surtout l'occasion de nous présenter les héros, ceux à travers les yeux de qui vont nous être racontés les onze années de présidence du Grand Charles. Reprenons donc le fil de l’histoire. Incapable de mettre un terme à ce que les historiens nommeront plus tard la guerre d’Algérie, la IVe République rappelle De Gaulle. Le général reprend la tête de l’État à condition que sa vision de la République soit mise en pratique. Tout cela concourt à faire de lui le dirigeant le plus menacé de son époque. Tout naturellement, ce sont les gros bras qui officiaient après-guerre qui sont rappelés. Sauf que l’un d’eux manque à l’appel, remplacé par un bleu formé par le FBI. C’est tout le charme de cette intrigue. Si l’Histoire ignore tout de ce renvoi, Xavier Dorison nous donne sa version, vraisemblable à défaut d’être vraie. Il en va de même pour les trois autres et leur nouveau chef. Le scénariste leur invente une vie et il les plaque sur l’Histoire officielle. De Gaulle devient « pépère » et la moindre sortie devient une expédition. Et puis gorille du général, c’est aussi jouer un peu le rôle de Barbouzes et on retrouve une nouvelle fois la filiation avec Georges Lautner et Michel Audiard. Heureusement, on ne parle pas à l’Élysée comme dans un rade quelconque mais les jeux de mots et les références restent drôles et efficaces. Le choix a été fait de publier cet album dans un très grand format. Hommage à la taille du général ? C’est surtout judicieux car cela permet à Julien Telo d’exprimer toute l’étendue de son talent. Sur la mise en page d’abord, c’est dynamique, originale et ultra efficace. Les vignettes s’enchaînent vite malgré de nombreux dialogues avec des inserts, des grands et des petites, des gros plans et des plans larges. C’est spectaculaire et très plaisant car cela fait disparaître tous les temps morts. Côté personnage, ensuite. On ne touche évidemment pas au général ! Les autres personnages, eux, oscillent entre réalisme et caricature et cela leur confère beaucoup d’humanité. Ces héros gravitent dans un environnement très réaliste. Les intérieurs ressemblent à des publicités des 30 glorieuses et les extérieurs à des cartes postales. Il ne faudrait pas oublier qu’il s’agit tout de même d’un album policier. Et là aussi, les scènes de bagarre ou de poursuites n’ont rien à envier aux films modernes.
Je me méfie toujours des blockbusters, du 7e comme du 9e art, sortis à grand renfort de publicité. Pourtant, je dois bien avouer avoir littéralement adoré cet album, mélange moderne de films noirs des années 60 avec une pointe de nostalgie mais surtout une efficacité redoutable. Un conseil, foncez !