Titre du Tome: Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants
Scénario : Gwenn
Dessin : Jonas Ritter
Documentaires : Thomas Guénolé
Maison d'édtion : Petit à petit
Après le sucrés de son essai de sociologie, Thomas Guénolé adapte son ouvrage au format BD afin d’informer toujours plus de monde sur la réalité des « jeunes de banlieue ».
Sept heures, sur les quais de la guerre du Nord, un banal contrôle de papier. Banal, sauf pour un jeune de banlieue qui a malencontreusement oublié sa carte d’identité à son domicile. Tutoiement, intimidation et gestes violents ne sont que les prémices d’une journée au commissariat. 9 h, entretien d’embauche. Face à une DRH qui affirme lutter contre les préjugés, les questions sont pourtant sans équivoque et le jeune de banlieue doit passer son chemin. 16 h, changement de décor. Une pause entre flics débouche sur l’anéantissement des rêves d’un jeune recrue. 19 h, lors d’un contrôle routier, un coup de feu, un accident, 3 morts ! et immédiatement tout dérape. Une journée presque normale pour un jeune de banlieue…
Lorsqu’on pense « jeunes de banlieue », c’est toujours la même image mentale qui nous arrive : de dangereux délinquants en survêt et grosse cylindrée qui tiennent les murs de la cité. Pire qu’un stéréotype, une caricature; véhiculée par les médias (journaux, télévision, réseaux...). Pour l’écrasante majorité pourtant, la vérité est ailleurs : discrimination, racisme et sentiments d’abandon. Cette réalité, le politologue Thomas Guénolé, alias Gwenn, le connaît ; lui qui a rédigé un essai de sociologie sur ce thème en 2015. Dans un avant-propos fort constructif, il nous raconte la genèse cette docu-BD. Presque 10 ans après son essai, la situation ne s’est aucunement améliorée. Il cherchait donc un autre support afin de toucher encore plus de gens. C’est ainsi que naquit cet album. Seulement, il était malgré tout impossible de conserver la même structure. Le choix a donc été fait de raconter la « vraie vie » des jeunes de banlieue dans un récit choral. Pas de héros récurrent, pas de méchants, juste 14 h dans la peau de gens qui vivent en banlieue. Cette structuration donne naissance à des petites histoires en 5 planches introduites par un titre, une courte présentation et une citation. Elles se terminent par 4 pages d’explications, d’approfondissement et de reprise de certains exemples. Cela évite bon nombre de lourdeurs et rend la lecture plutôt fluide. C’est Jonas Ritter qui signe la mise en image. Le lauréat du concours Delitoon avec Fatal Néandertal opte pour un trait semi réaliste.
Les décors sont irréprochables et les personnages jouent énormément sur les caricatures. C’est extrêmement bien fait car justement le fond du propos nous pousse à nous en éloigner, de la caricature. Jouant parfois sur le contraste « jeune de banlieue » contre « bobo », d’autres fois se focalisant sur tel ou tel personnage, le dessinateur fait varier sa construction afin qu’elle reste toujours en adéquation avec le fond. Enfin, scénariste et dessinateur ont également fait le choix de fonds chromatiques propre à chaque tranche horaire. Si le blues des hommes en bleu semble judicieux, d’autres couleurs restent plus énigmatiques, sans que cela ne pose le moindre problème de lecture.
À l’heure où les débats sont légion sur tous les thèmes, il est temps de voir la réalité sur les banlieues. Cette docu BD, sans tomber dans les bons sentiments ou la caricature, y est grandement.