Nom de la série : Les reines de sang
Titre du Tome: Messaline
Scénario : Luca BLENGINO
Dessin : Antonio SARCHIONE
Couleur : Axel GONZALBO
Maison d'édition : Delcourt
A sa mort, Messaline fut frappée de damnatio memorine. Pourtant plus de 2000 ans plus tard ; sa légende, faite de vices, de cruauté et de dépravation, est toujours tenace. A travers cet album à grand spectacle, faites-vous votre propre idée !
Il y a 2000 ans vivait Messaline. La jeune femme d’origine noble n’a jamais eu de chance. Très jeune, elle perd son père qui l'idolâtrait. Il lui avait même offert un miroir afin qu’elle puisse voir à quel point elle était belle. D’ailleurs, Messaline passe pour être la plus belle femme de Rome, succédant au passage à sa mère. C’est cette mère et son deuxième époux qui la marie. L’homme choisi, bien plus âgé qu’elle, n’est autre que Claude, l’oncle de l’empereur Caligula. C’est d'ailleurs lui qui a arrangé ce mariage afin de pouvoir "profiter" de la beauté de la jeune mariée. Le couple fort mal assorti vit ce mariage comme une prison mais ils font semblant. Quand Caligula est assassiné et que, à la surprise générale, Claude est élu quatrième empereur de Rome, tout change. Grisée par le pouvoir, mais en quête d’un amour absolu, celle qu’on surnomme Licisca va multiplier les amants mais aussi assassiner à tour de bras. Messaline est également une femme qui souhaite exister par elle-même. Malheureusement, son chemin ne peut que croiser celui d’Agrippine de retour d’exil et qui est bien décidée à revendiquer le trône pour son propre fils. La même Agrippine qui avait confié à Messaline, dans sa jeunesse, de ne jamais se laisser encercler, de ne jamais se laisser mettre au pied du mur !
On ne présente plus la collection Les reines de sang qui réhabilite le rôle important des femmes dans l’Histoire du monde. Pourtant, la série réussit encore à surprendre avec un nouveau concept : une pentalogie romaine consacrée non pas à une mais à trois femmes qui eurent un rôle majeur dans l’empire Romain, mais dont le commun des mortels a oublié le nom. Pour cet album central, ce n’est plus Agrippine qui est la vedette mais sa nièce, Messaline. Et l’album s’ouvre la scène finale : assassinée, Messaline souhaite rétablir la vérité, sa vérité sur son histoire, sur sa vie. Commence alors un long flash-back qui nous fait remonter le temps jusqu’à l’enfance de la future impératrice. Quelques pages dont le seul objectif est de justifier le sous-titre la déesse des miroirs et d’émettre une hypothèse sur une forme de bipolarité narcissique de la plus belle femme de Rome. Mariée enfant à l’oncle de Caligula, Messaline est une sorte d’Emma Bovary avant l’heure. Amoureuse de l’amour et à la recherche de l’amoureux ultime, elle va enchaîner les déconvenues. Il faut dire que le hasard et les affres de la politique romaine vont faire d’elle la maîtresse d’un empereur et l’épouse de son successeur. Grisée par ce pouvoir, elle ne va pas voir les intrigues de sa tante Agrippine. C’est donc une manière originale de poursuivre la biographie de la mère de Néron sans lui confier le rôle principal. Tout cela donne une biographie au rythme agréable marquée par les ellipses judicieuses qui l’allègent sans rien cacher au lecteur. Le dessin est l’œuvre d’Antonio Sarchione. Le travail du dessinateur italien, à qui on doit également la trilogie Les Trois Julia, est en tout point remarquable. Pour renforcer l’aspect antique, il opte pour un trait assez classique. Il ajoute derrière ces personnages charismatiques des décors précis et très détaillés ; indubitablement le résultat de recherches fouillées. Pour autant, dès la séquence d’ouverture, on sent beaucoup de nervosité dans le dessin. Des bandes, des inserts, des pages complètes, on comprend que Messaline va dévorer la vie par les deux bouts avec, en point d’orgue, cette sublime double page mêlant orgie et assassinat. Il faut bien se l’avouer, Messaline est sublimée par le trait de Sarchione, à la fois sensuelle sans devenir vulgaires : une vraie impératrice en sorte !
Avec cet album, et plus généralement cette pentalogie romaine, la collection Les reines de sang renouvelle avec maestria son concept. C’est l’occasion de replonger dans nos souvenirs d’écoliers tout en découvrant le rôle central des femmes, et en particulier de la plus belle de son époque, dans la vie politique romaine. Un album qui mêle sexe, drogue et rock and roll ; ou plutôt fin conspiration politique, à l’époque romaine.