Loin

C’est le grand jour pour Aimée et Ulysse. Après un an de travail, le van que prépare le jeune homme est enfin prêt et le couple est en partance pour le sud de l’Espagne : Cabo de Gata. Pour Ulysse, le voyage, et son terminus, sont l’occasion de faire de la plongée dans l’espoir, d'enfin voir un poisson lune. Pour Aimée, c’est l’occasion de souffler après une année intense de préparation de thèse. Ces vacances, cela devrait être surtout l’occasion de passer du bon temps. Malheureusement, le van s’avère trop exigu pour ce couple dans une mauvaise passe. Ulysse s’interroge sur son avenir : larbin d’un responsable de labo, il se demande si la plongée ne pourrait pas être une thérapie. Aimée se sent également perdue : tiraillée entre un poste à Lausanne et la culpabilité d’avoir mis son compagnon de côté. Alors, quand le camping-car tombe en panne, c'est une nouvelle opportunité de se rendre compte que le couple n'est plus sur la même longueur d’onde ; entre les phobies d’ Aimée et la témérité d’Ulysse. C’est alors qu’un vieil homme, Paco, entre dans leur vie en leur proposant de leur prêter sa voiture et de les accompagner à un congrès d’ornithologue à Cabo de Gata.

Il va de la bande dessinée comme du cinéma. Lorsque l’on voit la couverture d’un nouvel album de comédie romantique, on ne peut s’empêcher de se dire « encore une ! » et d’ajouter « qu’est-ce qu’elle va bien pouvoir ajouter aux précédentes ? ». Et pourtant, il y a comme une main invisible qui nous pousse à l’ouvrir et à la lire. Grand bien lui fasse car, au final, on passe souvent un excellent moment. C’est exactement ce que j’ai ressenti en ayant ce Loin entre les mains. De toute façon, «  les histoires d’A finissent mal, en général » ai-je fredonné. Il faut dire que la couverture s’y prête : le jeune homme en bas dort comme un loir dans une atmosphère chaleureuse, tandis que sa compagne boude de l’autre côté du lit. Et on voit déjà quelques stéréotypes s’installer. « Qu’est-ce que cela pourrait bien raconter d’autre ? » Et puis, on ouvre l’album et on change de cadre. Le couple part en vacances dans un van aménagé par Ulysse. « C’est bon, j’ai compris, c’est un road-movie ». Et puis… pas du tout ! Et on finit par, enfin, lâcher prise et entrer dans cette intrigue. On fait la rencontre d’Ulysse, jeune homme aventureux et d' Aimée, sa bien-aimée, totalement casanière et absolument peureuse. Ce couple improbable part en vacances et on comprend vite qu’ils sont au bord de la rupture. Incompatibilité de caractère mais surtout des vies monopolisées par leur travail. C’est alors qu’une panne mécanique et une rencontre impromptue vont rabattre les cartes. On s’identifie facilement tant à Ulysse qu’à Aimée. On leur trouve des côtés attachants et d’autres désagréables. On comprend les doutes, les interrogations et les remises en question. Le talent d’Alice Jaraba, en tant que scénariste, c’est d’insérer une sorte de faire-valoir en la personne de Paco. Là aussi, dès le départ, les avis d’ Aimée et d’Ulysse divergent et on comprend que son rôle ne sera pas si secondaire qu’au premier abord, mais de là à… je n’en dirai pas plus ! Côté dessin, Alicia Jaraba fait le choix d’un trait semi réaliste très efficace avec quelques incursions dans la caricature. C’est vif, c’est frais et extrêmement agréable. Les cadrages et la mise en page sont suffisamment variés et précis pour rendre le récit passionnant. C’est ainsi qu’on tourne les page, que le temps s’écoule sans que l’on s’en rende réellement compte. La colorisation, enfin, vient prolonger encore un peu les vacances estivales pour notre plus grand plaisir.

C’est donc une excellente comédie romantique que ce Loin. Une comédie à consommer sans modération de 9 à 99 ans.