Nom de la série : Mémoires d'un traitre
Scénario : Hugues Barthe
Dessin : Hugues Barthe
Couleur : Hugues Barthe
Maison d'édition : Gallimard
Dans Mémoires d’un traître, Hugues Barthe revient sur son adolescence à la fin des années 1970, dans un village rural où la culture se réduit aux bals, à la télévision et aux conversations de bistrot. Un milieu étriqué qu’il rêve de quitter. Un témoignage passionnant d’un transfuge de classe ! A découvrir !
Hugues Barthe grandit dans une famille où la virilité s’exprime par le travail manuel, les armes ou l’alcool, tandis que sa mère, enfermée au foyer, subit la violence du quotidien mais lui rêve d’autre chose...
Proche de sa grand-mère et de son oncle, il se rend malgré tout qu’il souhaite autre chose pour son futur. Alors il s’évade par les livres, en particulier ceux d’Annie Ernaux, et trouve dans un couple voisin un horizon nouveau fait de musique, de littérature et d’arts. Il se met même à la guitare pour avoir l’occasion d’aller à la ville chaque semaine.
Mais dans ce milieu où l’on se méfie des “différents”, s’arracher de ses racines revient presque à trahir les siens. C’est ce tiraillement, entre appartenance et désir d’émancipation, que l’auteur retrace avec une sincérité touchante.
Hugues Barthe livre donc ici un récit initiatique à la fois sensible et dur. Il décrit sans détour la pesanteur de la vie à la campagne, l’enfermement social et culturel, et les injonctions de virilité qui écrasent les jeunes hommes. Ce qui frappe, c’est la justesse de sa narration : il ne s’agit pas d’un règlement de comptes, mais d’une quête de sens et de vérité.
L’album explore surtout la question de l’accès à la culture comme moyen d’évasion et d’affirmation de soi, un thème universel qui peut parler à tout le monde. Cela permet de découvrir la construction intellectuelle et sociale d’un adolescent en décalage avec son milieu.
Graphiquement, l’auteur reste fidèle à son style fluide et accessible. Son trait épuré, permet d’aller droit à l’essentiel et renforce l’intimité du récit. Les visages, simples mais expressifs, traduisent parfaitement les émotions comme la colère ou la mélancolie. On sent un travail pensé pour servir le récit, sans chercher l’effet graphique à tout prix : la lisibilité prime et, selon moi, cela accentue l’authenticité de la démarche.
Pour conclure, avec Mémoires d’un traître, Hugues Barthe signe une œuvre à la fois personnelle et universelle, où l’intime se mêle à une réflexion plus large sur l’émancipation et le poids du milieu social. Un récit touchant, porté un dessin sobre, et qui rappelle à quel point la culture peut changer une vie.