Nom de la série : Minuit passé
Scénario : Gaëlle GENILLER
Dessin : Gaëlle GENILLER
Couleur : Gaëlle GENILLER
Maison d'édtion : Delcourt
Guerlain et son fils Nisse retournent vivre dans le manoir familial. Très rapidement, des phénomènes étranges apparaissent. Sont-ils bienveillants ou cherchent-ils à nuire au père et à son fils ? Gaëlle Geniller nous présente son nouveau roman graphique à la fois fascinant et touchant.
Guerlain retourne vivre dans le manoir de son enfance. Ses trois sœurs, connaissant l’attachement de leur frère pour cette bâtisse, lui ont cédé leur part. Pourtant, Guerlain n’a quasiment aucun souvenir de cette période de sa vie. Son épouse étant retenue loin pour des raisons professionnelles, le jeune homme partage ses journées entre son métier de rénovateur d’œuvres d’art et le temps passé avec son fil, Nisse. Les nuits sont, elles, beaucoup plus compliquées. Insomniaque, Guerlain se réveille toutes les nuits avant minuit et n’arrive plus à se rendormir. Pour passer le temps, il explore le manoir. Un jour, alors que père et fils discutent de couleurs, ils sont interrompus par un étrange bruit venant d’une armoire. A pas de loup, Guerlain vérifie et tombe nez à nez avec trois corneilles. Malgré les fenêtres grandes ouvertes, les volatiles ne semblent pas disposés à retrouver leur liberté. Las, Guerlain et Nisse apprennent à faire avec. Ce qui aurait pu n’être qu’un phénomène singulier va tout doucement devenir le premier d’une longue série, bruits incongrus et silhouettes se multipliant dans le manoir. Avec toujours la même question, sont-ils bienveillants ou cherchent-ils à nuire ?
Trois ans après le remarqué, et remarquable, Le jardin Paris, Gaëlle Geniller revient avec un nouveau roman graphique. La première chose qui frappe lorsqu’on a l’album entre les mains, c’est sa beauté. Passe encore que la couverture ait son titre en or à chaud en relief mais la tranche imprimée aux motifs végétaux, c’est la première fois que je vois ça ! La seconde chose qui marque sur cette couverture, ce sont ces gens aux yeux blancs et vides. On se doute donc que l’artiste a changé de thématique, passant du cabaret parisien à quelque chose de plus fantastique. C’est d’ailleurs saisissant avec les premières pages qui sont nettement plus sombres que le précédent album. Cette atmosphère pesante est renforcée par le choix du huis-clos. Dans ce manoir, rien ne rentre, rien ne sort. Seul Guerlain et Nisse sont présents et leurs échanges avec l'extérieur se limitent à quelques appels téléphoniques. Si on n’atteint pas le niveau de suspense de la célèbre chambre jaune de Gaston Leroux, cela apporte tout de même un sentiment extrêmement pesant, digne de certains films de Guillermo Del Toro. Mais la scénariste ne souhaite pas jouer avec nos nerfs. Elle construit un récit autour de trois temps et insère donc un long flash-back en partie centrale, Guerlain plongeant dans ses souvenirs comme dans un rêve. Si certaines métaphores semblent évidentes (qui sont donc ces 3 corneilles ? par exemple), l’intrigue est tout de même bien construite. Il y a peu de temps mort et les montées d’adrénaline sont nombreuses et judicieuses. Ce récit touchant est mis en image avec tout le talent qu’on connaît de l’artiste. Tantôt lumineuse, tantôt sombre, presque lugubre, la mise en page est un modèle de liberté s’adaptant en permanence et avec précision à la narration. Pour le lecteur, c’est un véritable plaisir. On retrouve les thèmes de prédilection de Gaëlle Geniller : les costumes élégants et chatoyants, les ambiances douces et mélancoliques remplies d’éléments dignes de l’école de Nancy, des Majorelle et autres Gallé. L’ensemble forme un décor fascinant dans lequel le thème de la différence viendra clôturer l’album avant un magnifique et très complet dossier graphique nous dévoilant le derrière du rideau.
C’est donc un ouvrage fantastique et touchant que nous propose Gaëlle Geniller. Un album fascinant où le beau rencontre la différence pour le plus grand plaisir des lecteurs.