Titre du Tome: Nos vies prisonnières
Lorsqu’un médecin amer assiste impuissant au décès d’un marginal, il ne peut que lui promettre de retrouver son fils pour lui remettre un mystérieux leg. Au fil de son enquête, la vie de tous ceux qui approcheront le texte sera transformée.Un album sur la vie, celle que l’on rêve et celle dont on a rêvée, celle que l’on a.
Il y a Hélène, la quarantaine, N- 1 dans une grande banque qui se répète à l'envie que le célibat, c'est la liberté. Il y a aussi Alban, la cinquantaine, responsable de division qui vient de perdre la garde de ses enfants après une escapade malheureuse avec sa maîtresse. Et puis, il y a Félix, petit trentenaire timoré qui cherche toujours à éviter le conflit, même dans son travail.
Enfin, nous trouvons le docteur Julien Vigan, médecin par obligations familiales, frustré de n'avoir que des malades sociologiques à traiter. Si les premiers travaillent ensemble dans un ordre hiérarchique, rien ne les prédisposaient à rencontrer le dernier. Rien, si ce n'est le hasard ! En vacances au bord de la mer, le toubib est appelé d'urgence auprès d'un marginal. Impuissant, il le soutient dans ses derniers moments et lui promet de retrouver le fils qu’il a abandonné 30 ans auparavant, afin de lui remettre un manuscrit tenant à la fois des mémoires et
des excuses. Seulement voilà, le texte semble avoir un pouvoir autre que littéraire : à sa lecture, chaque lecteur semble prendre conscience que la vie l’a plus ou moins emprisonné et qu’il est temps de se libérer…
Qui n'a jamais rêvé de tout plaquer. Qui n'a jamais songé quitter son job pour aller élever des chèvres dans le Larzac. Les médias nous rabattent régulièrement les oreilles avec ce genre d'histoire mais ceux qui franchissent le cap sont peu nombreux. Il faut dire que cela n'est pas si facile et que le déclic est une chose capricieuse. Pour Parno, ce déclic prend la forme du manuscrit d’un SDF. SDF qui a pété un plomb et envoyé balader boulot, femme et enfant vingt ans auparavant. Après avoir évoqué avec moult précisions la situation très, trop, routinière de ces personnages, le conteur envoie une sorte de bouée afin de reprendre la main sur leur vie. Alternant les focalisations, le scénariste sème le doute dans l'esprit du lecteur quant au déroulé de l'intrigue, tout en étant extrêmement clair sur son message. Qu'est-ce que l'ambition ? L'ambition est-elle personnelle ? Peut-elle nous tromper ? Peut-elle être la même à 20,30 ou 50 ans ? A-t-on droit à plusieurs ambitions ? À ces questions, le scénariste répond avec beaucoup de finesse tout en laissant au lecteur la liberté de faire son propre choix. S'il y en a un pour qui cette histoire résonne particulièrement, c’est Phil Castaza, lui qui rata brillamment son CAP imprimerie avant de se consacrer à temps plein à la bande dessinée. Cet album sonne aussi comme un retour aux sources après deux
RCT un peu commerciaux. Si le trait souffre de quelques irrégularités, le dessinateur donne néanmoins vie à des personnages aussi attachants que
détestables, les plongeant dans des ambiances aussi tristes que leur vie. C'est surtout les passages liés à la lecture du manuscrit qui restent en mémoire, même après avoir refermé l'album. Le choix de les laisser en crayonné ocre à peine colorisés dans un lavis de la même couleur laisse à penser qu'il s'agit d'un brouillon. C’est une erreur, seule la vie des autres personnes sont des ébauches.
C’est donc un album sur la vie, la nôtre et celle des autres, la vie dont on rêve et celle qu'on a. Un album qui donne envie de vivre ses rêves.