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Liotti Liotti

Rat City - Tome 1

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Nom de la série : Rat City
Tome : 1
Scénario : Erica Schultz
Dessin : Zé Carlos
Couleur : zé david ramos
Maison d'édition : Delcourt

   Avec Rat City , les éditions Delcourt nous proposent une relecture puissante de la mythologie Spawn. Un tome 1, scénarisé par Erica Schultz accompagnée au Dessin par Zé Carlos, un spin-off qui explore les ruines morales de l’humanité future à travers un personnage brisé, écartelé entre culpabilité, rage et instinct de survie.   

   L’histoire s’ouvre sur un monde brisé par la guerre. En 2107, les États-Unis — ou ce qu’il en reste — sont un patchwork de cités militarisées et de zones dévastées. Les classes pauvres vivent dans des enclaves insalubres, tandis que les élites se protègent derrière les murs d’un progrès qu’elles ont privatisé.
   Au milieu de ce chaos vit Peter Cairn, vétéran de guerre marqué dans sa chair et dans sa tête. Après avoir perdu ses jambes sur le champ de bataille, il est renvoyé à la vie civile avec des prothèses de pointe, fournies par une entreprise militaire privée, Cygen Corporation. Mais derrière le geste de “reconstruction”, se cache un autre projet : ces prothèses sont équipées de nanites expérimentales, capables d’interagir avec le nécroplasme (l’énergie infernale libérée dans le monde depuis l’apparition du tout premier Spawn, des siècles plus tôt.).
   Peter tente de reprendre une vie normale dans la ville basse, Rat City, un district crasseux où se croisent survivants, trafiquants, cyborgs et drones de surveillance. Mais rapidement, les nanites se réveillent. Des cauchemars, des hallucinations, puis des crises violentes le rongent : une voix, au fond de lui, murmure, commande, hurle.
   Lorsque sa famille est prise dans une fusillade et que Peter est laissé pour mort, son corps bascule. Les nanites fusionnent avec le nécroplasme latent et font de lui le premier Hellspawn synthétique. Ni humain, ni démon, ni machine , un être hybride en dehors de toute logique, conçu pour exécuter des ordres qu’il ne comprend pas.
   À partir de là, le récit bascule dans une double traque : celle que Peter mène contre les dirigeants de Cygen, responsables de son sort, et celle menée contre lui, par les autorités, qui voient dans son existence une menace contre l’ordre établi.
En parallèle, des indices laissent penser que d’autres “sujets” comme lui ont existé avant — des expériences avortées, ou effacées. L’univers de Rat City prend alors une dimension plus vaste, entre complot industriel et renaissance d’une lignée infernale oubliée.
   Peter lutte contre ses transformations, tente de préserver sa conscience, mais les nanites, elles, n’ont pas de morale. Chaque utilisation de son pouvoir le rapproche d’un état instable où il pourrait tout perdre — sa mémoire, son libre-arbitre, ou son humanité.
 Parviendra-t-il à faire de sa différence une force ?
   Erica Schultz fait de Rat City un prolongement intelligent de l’univers Spawn sans en reproduire les codes. Là où Al Simmons incarnait la damnation spirituelle, Peter Cairn représente la damnation technologique : celle d’un homme absorbé par la science, réduit à un instrument de guerre.
L’autrice tisse un récit profondément humain, malgré son habillage cyberpunk. L’histoire ne se limite pas à la vengeance ou à la transformation — elle parle du traumatisme des soldats, de la déshumanisation du progrès, et du vide moral d’un futur contrôlé par les machines.
Le ton est plus introspectif que spectaculaire. Peter doute, recule, se brise. C’est un personnage épais, fragile, rongé par la culpabilité et la peur de devenir ce qu’il hait.
La narration, elliptique par moments, fonctionne comme un miroir de son esprit fragmenté : souvenirs de guerre, flashs d’horreur, visions hallucinées d’un enfer mécanique.
 Cotés dessin, Zé Carlos livre un travail impressionnant de densité. Son trait réaliste et nerveux renforce la dureté de cet univers. La ville, massive et métallique, semble respirer et suinter à chaque page. Les ruelles sont oppressantes, les intérieurs saturés de détails technologiques, et les visages reflètent à la fois la fatigue et la colère.
Les scènes d’action sont percutantes, construites sur un découpage fluide qui accentue la brutalité sans jamais la glorifier.
La colorisation, quant à elle, joue un rôle essentiel : gris, bleus aciers, touches de rouge — une palette froide, industrielle, qui renforce l’idée d’un monde où la vie organique s’éteint peu à peu.
Visuellement, Rat City s’inscrit dans la tradition du tech-noir, entre Blade Runner et Ghost in the Shell, mais avec une brutalité viscérale propre à l’univers Spawn.
   Ce tome 1 de Rat City est donc plutôt une réussite, aussi sombre qu’ambitieuse. Erica Schultz y explore les ruines morales de l’humanité future à travers un personnage brisé, écartelé entre culpabilité, rage et instinct de survie.
Loin d’un simple spin-off, c’est une relecture puissante de la mythologie Spawn : là où l’enfer venait d’en bas, il vient désormais d’en haut ,issu des laboratoires, des corporations, et des hommes qui jouent à Dieu avec des machines.

 

A propos du chroniqueur

Nom d'utilisateur : bibione

Nombre de chroniques publiées : 71