Nom de la série : Un plan infaillible
Scénario : Pacco
Dessin : Pacco
Couleur : Pacco
Maison d'édition : Casterman
Derrière le trait vif et souvent drôle de celui qu’on connaît pour ses séries légères et pleines d’esprit, se cache une trajectoire bien plus complexe, faite de doutes, d’obstination et de résilience.
Tout commence par un divorce. Très jeune, Pacco voit ses parents se séparer. Le voilà partagé entre deux territoires, deux cultures : la France métropolitaine et la Martinique. Ce déracinement, cette double appartenance, marqueront profondément son regard sur le monde. Heureusement, il trouve très tôt une échappatoire : le dessin. Pourtant, rien n’était gagné ! En maternelle, sa mère lui lance un jour : « Pourquoi tu ne fais pas de jolis dessins comme les autres ? » — phrase qui, rétrospectivement, prend des airs de déclic fondateur. Au fil de son enfance, le dessin devient son refuge, puis son arme sociale : il croque des super-héros pour ses camarades, trouve sa place à travers son talent.
L’adolescence apporte son lot de défis : en sixième, les « gros bras » du collège imposent leur loi. Pacco veut apprendre le kick boxing pour se défendre, mais son médecin lui interdit tout sport violent à cause d’un problème de santé. Qu’importe : il persévère, contourne les obstacles, apprend à canaliser sa frustration. Cette détermination, on la retrouvera tout au long de son parcours.
Au lycée, c’est le temps des premiers amours, mais aussi d’un nouvel exil : la Guadeloupe, où il part vivre avec sa mère. Pacco découvre peu à peu ce qu’il veut faire : du dessin, toujours du dessin. Mais son père rêve pour lui d’une carrière « sérieuse » — avocat, par exemple. Lui, s’obstine à suivre sa voie : écoles d’art, stages en agence de pub, boulots précaires de graphiste. Et puis, il y a ces fameuses rencontres avec le monde de la BD : des éditeurs, des auteurs, des formateurs qui, tous, semblent unanimes : « tu n’as pas assez de talent ». Ces refus répétés, loin de l’abattre, forgent son caractère. Pacco n’abandonne pas. Il sait que sa voix — graphique et narrative — est encore à trouver.
Et puis vient l’âge adulte. Le travail, la stabilité, la famille… puis l’épuisement. Le craquage. Ce moment de bascule, que tant d’artistes et de travailleurs connaissent, devient ici un véritable pivot narratif. Loin de se contenter de raconter sa chute, Pacco en tire une leçon : il élabore une méthode, une philosophie de vie qu’il partage avec le lecteur. En cela, son roman graphique dépasse le simple cadre autobiographique : il devient un guide, une introspection sur la création et le bonheur. C’est une œuvre sur la reconstruction, la quête de sens, et la manière dont l’art peut servir de boussole intérieure.
Un roman graphique pédagogique et inspirant. Le ton est sincère, souvent drôle, jamais plaintif. Pacco alterne les souvenirs d’enfance, les scènes de galère et les réflexions plus universelles sur la réussite, la pression sociale, la créativité. À mesure qu’on avance, on comprend que Pacco n’est pas une énième confession d’auteur, mais un récit de transmission : comment se connaître, se pardonner, et se réinventer à travers le dessin.
Le tout est porté par un dessin clair et expressif : un trait simple mais dynamique, sans surcharge, soutenu par une mise en couleur monochrome qui donne à l’ensemble une belle unité. L’économie de moyens sert ici la sincérité du propos. Loin des effets spectaculaires, Pacco privilégie la justesse de l’émotion. La lecture est fluide, agréable, ponctuée de traits d’humour et d’une autodérision bienvenue.
Avec ce roman graphique de 250 pages, Pacco signe une œuvre à la fois intime et inspirante.
Son histoire parle à tous : aux rêveurs, aux artistes, aux enfants d’ailleurs, à ceux qui doutent. Son trait, direct et chaleureux, capte la sincérité du propos. Un très beau moment de lecture, à la croisée du récit initiatique et du carnet de développement personnel — une BD qui fait du bien, sans jamais tomber dans la complaisance.
