Nom de la série : Un récit des contes de la pieuvre
Tome : 4
Titre du Tome: Fannie la renoueuse
Scénario : Gess
Dessin : Gess
Couleur : Gess
Maison d'édtion : Delcourt
La Pieuvre est sous le choc ! Après le précèdent fiasco, un dirigeant est mort et la Bouche, celui qui donne les ordres, voit sa fille dans un état catatonique. C’est pour cela qu’il fait enlever Fannie, une empathique, qui a le talent d’entrer dans les esprits. Pour les deux femmes, c’est le début d’une étrange cohabitation. Gess signe un nouveau bijou avec ce nouvel opus des contes de la Pieuvre.
Branle-bas de combat à l’auberge de la pieuvre. L’œil est mort, le nez vient de sortir de prison et l’oreille est absent. Pourtant, la pieuvre a besoin de fermeté après son précédent fiasco. Pire, plusieurs bandes rivales aimeraient profiter de cette faiblesse pour éliminer totalement le céphalopode. Pour ne rien arranger, la bouche est contraint de s’absenter pour régler des problèmes familiaux. En effet, sa fille Zelie est dans un état catatonique depuis son kidnapping par un tueur de son père, la Bête. La bouche fait donc enlever Fannie, une renoueuse de l’Hôtel-Dieu. Ni médecin, ni infirmière, Fannie entre dans l’esprit des gens, elle les aide à retrouver leur chemin, à évacuer le poids de leur conscience. La bouche espère que l’empathique pourra débloquer sa fille, sinon qu’elle puisse au moins agir sur elle comme un marionnettiste. Et puis, la bouche a des arguments convaincants : il menace d’assassiner le frère de Fannie, un dur à cuire surnommé Chien-fou, accusé d’appartenir au sanglant gang des calcineurs. Pour ne rien arranger, c’est Pluton qui est chargé de la garde rapprochée de Zelie et de Fannie. De toute façon, ils se retrouvent tous dans le rôle de pion aux ordres de la pieuvre...
Pour ce 4e volet des contes de la pieuvre, le raconteur Gess choisit une héroïne comme personnage principale. Un choix fort tant l’Histoire a oublié le rôle des femmes dans cette période si particulière. On se retrouve donc dans un Paris tout juste sorti de la Commune et pas totalement remis de ses blessures. La première surprise vient du fait que cet album ne s'ouvre pas sur le personnage éponyme mais sur la chute d’un mystérieux ange de rien ! Et la suite n’arrange rien à la compréhension globale. Comme les scènes courtes se succèdent à grande vitesse avec un personnage principal différent à chaque fois, on ne comprend pas très bien où le scénariste veut nous emmener. Pour ceux qui connaissent cet univers, il est facile de continuer. Pour ceux qui le découvrent, il faudra faire un effort qui sera très largement récompensé ! Tout doucement, les petits cailloux se regroupent pour former une intrigue extrêmement bien construite (on l’aura compris) pleine de rebondissements et de surprises. Une intrigue parfaitement servie par des personnages ultra charismatiques et s’inspirant pour partie de la mythologie. Qu’on se rassure, tout est merveilleusement expliqué et il n’est absolument pas obligatoire de retourner sur les bancs de l’école pour comprendre. C’est principalement Fannie, une empathique, qui nous raconte cette histoire mais les relais de narration sont fréquents. On retrouve quelques personnages connus comme les membres dirigeants de la pieuvre et quelques-uns de leurs sbires mais aussi la fille de la bouche Zelie, totalement refermée sur elle-même depuis son kidnapping et d’autres talents qui vont venir se greffer et rebattre les cartes dans ce qui ressemble à une fin de cycle. On peut toutefois faire confiance à Gess pour encore nous surprendre. Côté dessin aussi, le résultat est explosif ! La minutie et la précision de l’artiste sont mises en valeur par le « petit » format de l’album. Si certains personnages sont torturés, d’autres affichent des visages, et peut-être des consciences, bien plus lisses. Mais dans ce monde extraordinaire, même, l’empathie peut se révéler être un talent ! D’une façon plus générale, les planches sur fond de teintes couleurs différentes sont magnifiques. Les angles de vue sont originaux et spectaculaires et la mise en page impulse à merveille le rythme de la narration. La couleur, enfin, vient sublimer les dessins tout en se révélant un élément fondamental de narration, ne serait-ce que pour marquer les flashbacks.
Une nouvelle fois, la pieuvre frappe fort et directement en plein cœur. Pour le lecteur, le constat est sans appel, c’est un nouveau bijou signé Gess.