Nom de la série : Voie de garage
Scénario : Sophie ADRIANSEN
Dessin : Arnaud NEBBACHE
Couleur : Arnaud NEBBACHE
Maison d'édtion : Dargaud
A Lausanne, Paulin est une curiosité locale. Avec son costume de conducteur, il déambule à travers la ville avec son trolleybus artisanal. S’il ne fait de mal à personne, il dérange certains par son originalité. C’est alors que Paulin est arrêté et interné. Bref, il est parqué dans une voie de garage ! A travers cette histoire vraie, on découvre une superbe ode à la tolérance doublée d’une réflexion sur le génie et la normalité.
Lausanne, printemps 1968. Paulin est un élève un peu particulier. S’il est le premier de sa classe en récitation et en géométrie, il est le dernier dans toutes les autres matières. Pire, il les néglige ostensiblement et cela choque ses enseignants qui tentent de le « faire rentrer dans le rang ». C’est à cette époque que Paulin découvre l’univers des trolleybus. Avec leurs perches, ils fascinent le gamin qui s’amuse à jouer au conducteur avec quelques chaises. Plus les années passent et plus Paulin est attiré par le monde des trolleys et rien ni personne ne semble pouvoir l’arracher à sa passion. Arrivé à l’âge adulte, il accède à son rêve, partiellement. Il conduit un trolley sur le trottoir ! Il a transformé des caddies, il les a équipés de rétroviseurs, de klaxon et même d’un distributeur de tickets. Avec son véritable costume de conducteur, il suit les trajets et effectue tous les arrêts. Au fil du temps, il est devenu une curiosité pour les visiteurs et un ami pour tout le voisinage. Toujours poli, courtois et prudent, il ne fait que se défendre contre ceux qui se moquent de lui. Et puis un jour, un article de presse, une lettre à un juge et Paulin se retrouve interné ! Il ne constitue pourtant une menace pour personne…
Qu’est-ce que la normalité ? Vaste question s’il en est ! Surtout quand on sait que cette histoire est basée sur des faits réels. Paulin, c’est l’émanation d’un habitant de Lausanne, une curiosité, une star locale. Forte d’une importante documentation, Sophie Adriansen romance la vie de Martial Richoz. Tout de suite, je me place dans un camp. Si je parle de star, je suis favorable ; si j’évoque une curiosité beaucoup moins. La scénariste se retrouve avec la même difficulté. Elle choisit donc de remonter le temps et d’ouvrir cette biographie sur l’enfance de Paulin. Gamin solitaire, il est élevé par une grand-mère aimante. A l’école, sa différence dérange : souvent tête en l’air, il excelle en récitation et en géométrie et il se moque du reste. C’est l’occasion d’évoquer la normalité pour la première fois car ses maitres souhaitent le faire rentrer dans le rang. Par la suite, l’album est construit en deux temps majeurs. À l’enfance de Paulin succède sa vie de jeune adulte. Cette partie centrée sur sa passion pour les trolleybus nous expose sa personnalité, sa gentillesse et le mépris des autres. C’est cela qui va se transformer. La différence de Paulin va déranger. Le mépris va devenir haine et peur. C’est alors que Paulin est interné. Pour les gens qui le connaissent, qui le côtoient, c’est l’occasion de montrer leur solidarité. Cette partie plus technique car centrée sur le droit, n’en demeure pas moins extrêmement touchante. C’est tout notre système de valeurs qui se transforme alors et on referme l'album bien plus ouvert que lorsqu’on l’a ouvert. Le trait de Arnaud Nebbache y est également pour beaucoup. Le trait est tout en délicatesse à mi-chemin entre réalisme et poésie. La mise en couleur directe fait souvent disparaître les traits gommant au passage les frontières trop violentes. Il se dégage alors une atmosphère de douceur qui sied à merveille au personnage de Paulin autant qu’à l’album.
Si la lecture permet de s’évader et de s’incarner dans les personnages, nul doute que cet album constitue une lecture indispensable. C’est une véritable ode à la tolérance et au respect et, par les temps qui courent, ça fait un bien fou !