Espace membre Me connecter
Regnault Regnault

Women of the west - Tome 5

Acheter sur BD Fugue

Nom de la série : Women of the west
Tome : 5
Scénario : Tiburge Oger
Dessin : Collectif
Maison d'édition : GRAND ANGLE

Pourtant minoritaires dans la conquête de l’Ouest américain, certaines femmes ont marqué de leur empreinte ce passage de l’Histoire. Tiburce Oger nous propose de revenir sur le parcours incroyable et authentique de ces femmes dont l’originalité est de ne pas être les plus célèbres.

Oregon, 1974. Une jeune journaliste et son compagnon se dirigent vers la réserve de Walla. Elle est impatiente et émue à l’idée de rencontrer une chamane militante, engagée notamment contre la stérilisation forcée des femmes dans la réserve — une loi récemment votée par le gouvernement. Arrivée sur place, elle obtient l’autorisation d’entrer, tandis que son petit ami doit se contenter de rester sur le seuil de la tente. Betty, elle, s’avance dans la pénombre et rejoint la chamane, qui va lui conter les destins de femmes ayant participé, chacune à leur manière, à la conquête de l’Ouest américain.

Cinquième volume de la série d’anthologies consacrées au Far West, Women of the West met cette fois les femmes au premier plan. Après les jeunes hommes, les Indiens, les flingueurs et les hommes de loi, Tiburce Oger nous entraîne sur les traces des pionnières, des artistes et des aventurières qui ont façonné, à leur manière, la légende de l’Ouest.

L’album s’ouvre donc sur ce récit-cadre de 1974, dans la réserve de l’Oregon. Betty y rencontre une chamane qui, au cours d’une cérémonie, l’invite à voyager à travers le temps et à découvrir la vie de femmes ayant bravé la solitude, la violence et les préjugés dans un monde d’hommes. Ce fil narratif, dessiné par Paul Gastine, relie une série d’histoires indépendantes formant une véritable fresque féminine du Wild West.

Fidèle à son approche documentaire, Tiburce Oger s’inspire une fois encore de personnages historiques bien réels, mais il choisit cette fois d’écarter les figures les plus connues — pas de Calamity Jane ici — pour mettre en lumière celles que l’Histoire a laissées dans l’ombre : propriétaires de ranch, artistes peintres, colons militantes pour le droit de vote, Indiennes réduites en esclavage, femmes noires convoyant des diligences ou encore tenancières de saloon. Ces destins de courage et de résilience s’enchaînent dans un album où l’émotion et la dureté se côtoient sans fard.

Pour aller au bout de sa démarche, Oger a réuni une équipe majoritairement féminine : dix dessinatrices talentueuses rejoignent certains de ses complices habituels. Virginie Augustin, Daphné Collignon, Gaëlle Hersent, Nathalie Ferlut, Isabelle Dethan, Elvire de Cock, Miss Prickly, Béatrice Tillier, Éloïse Oger et Laura Zuccheri apportent chacune leur regard et leur sensibilité à ces récits de femmes. Dominique Bertail, François Boucq et Paul Gastine complètent ce casting de haut vol, pour un résultat d’une richesse graphique rare.

Chaque artiste signe son histoire dans un style qui lui est propre : aquarelles délicates, noir et blanc sépia, encrages nerveux ou couleurs lumineuses. Certaines planches frappent par leur originalité visuelle — celles de Gaëlle Hersent, d’une grande douceur ; celles de Daphné Collignon, au trait sensible et épuré ; ou encore celles de Nathalie Ferlut et Éloïse Oger, empreintes d’une poésie mélancolique. D’autres surprennent par leur audace : Miss Prickly, connue pour ses albums jeunesse, s’essaie ici au western avec une justesse inattendue. L’ensemble compose un kaléidoscope de tons et de textures, un album à la fois multiple et cohérent, où chaque récit trouve naturellement sa place dans une mosaïque sensible.

Côté scénario, Tiburce Oger reste fidèle à son style : une écriture sobre, réaliste et documentée, qui privilégie le vécu aux grands effets dramatiques. Il n’embellit pas l’Histoire, il la montre dans toute sa rudesse. Les destins qu’il met en scène sont parfois romantiques, souvent tragiques, toujours sincères. On y perçoit la volonté de rendre justice à ces femmes effacées par les récits masculins, de réhabiliter leur rôle dans la conquête de l’Ouest et dans la lutte pour leurs droits. C’est ainsi qu’il a cherché à obtenir un panel aussi large que possible, mettant en avant la diversité de ces héroïnes : Abigail Scott Duniway, Stagecoach Mary, ou encore les marshals Miller et Curnutt, pour ne citer qu’elles.

Certes, certains récits auraient mérité plus d’espace pour approfondir leurs héroïnes, mais la diversité des tons et des approches fait toute la richesse de cette anthologie. Les histoires se succèdent comme autant de fragments d’un grand tableau : celui d’une Amérique en construction, où chaque femme lutte pour sa liberté, son respect ou simplement sa survie.

Women of the West s’impose ainsi comme une œuvre collective forte, à la fois hommage et manifeste. Par son sujet, son casting et sa direction artistique, cet album marque une étape importante dans la redéfinition du western moderne. Plus qu’un simple recueil, c’est un voyage initiatique et sensible, où la beauté du trait rejoint la puissance du propos.

A propos du chroniqueur

Nom d'utilisateur : LABANDEDU9

Nombre de chroniques publiées : 3340

Visiter la boutique de LABANDEDU9