La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Colas a préféré fuguer, n’en pouvant plus de la violence paternelle. Un beau matin d’hiver, il tombe nez à nez avec un cadavre, bras en croix, sous la glace d’un étang. Pour son copain, Camille, c’est la preuve de Colas doit guider une troupe d’enfants libérer le tombeau du Christ. S’ensuit une longue traversée pendant laquelle Colas va changer totalement de statut.
Une version romancée et touchante de la Croisade populaire. Une quête initiatique pour les petits et ceux qui le sont restés.
   
Colas n'a pas une vie facile. Fils d'un paysan médiéval, il est régulièrement violenté par son père. Lorsque sa petite sœur, Margotte, tombe accidentellement dans l'enclos des cochons, Colas préfère fuguer plutôt que de subir les foudres paternelles. Suivant une petite noix qui roule, il est prêt à toutes éventualités. C'est ainsi qu'il arrive dans une brasserie qui accueille et fait travailler les enfants comme lui. Le temps s'écoule ainsi entre le travail harassant de la semaine et la messe dominicale jusqu'à unjour d'hiver enneigé. Suivant un renard, Colas glisse et tombe nez à nez avec un homme sous la glace du lac. Bras en croix, il semble regarder le jeune garçon. Médusé, celui-ci court avertir les autres tout aussi surpris de l'entendre parler. Malheureusement, le corps a disparu. Pour Camille, un autre gamin, c'est la preuve que Colas est l’élu et qu'il doit conduire les enfants, ces âmes blanches, délivrer le tombeau du Christ, à Jérusalem. Ensemble, ils réussissent à convaincre les autres gamins de les suivre. Prêchant sur les chemins et dans les villages, la troupe s'agrandit et recueille suffisamment d'argent pour se nourrir. Seulement, des enfants restent des enfants et les premières bagarres éclatent bientôt, les rivalités se font bientôt jour au grand dam de Colas. Parviendra-t-il à conserver l’unité de sa troupe et à la conduire jusqu’au tombeau du Christ ?

La légende de la croisade des enfants renvoie à la Croisade populaire de 1212. Depuis de nombreux artistes se sont inspirés de cette histoire, de Jacques Higelin à Serge Moati en passant par Heinrich Sutermeister. Pour la bande dessinée, c'est Chloé Cruchaudet qui adapte cette aventure. Elle fait le choix de romancer l'intrigue afin de la rendre plus humaine et en même temps plus universelle. Ainsi le jeune Colas, maltraité par son père, se retrouve « embauché » tout en faisant vœu de silence pour se faire pardonner le sort de sa sœur. Un petit mensonge plus tard et  il se retrouve embarqué à la tête d'une troupe d'enfants. En effet, la seule obligation pour intégrer la Croisade est d'être encore un enfant. Pour Colas, cela n'est pas sans poser problème car enfant,  il ne l'est plus réellement et certaines pensées, certaines sensations rentrent en contradiction avec sa foi. Chloé Cruchaudet fait donc entrer une bonne dose de psychologie enfantine universelle dans cette quête initiatique. Cette  touche enfantine, on la retrouve dans le dessin. Sous des allures simples, les personnages sont très expressifs d'autant que les lavis de couleurs rendent parfaitement les atmosphères rattachées aux saisons successives. Seuls apparaissent en couleurs vives les visions du Christ par Colas, à moins qu'il ne s'agisse de ses rêves. La dessinatrice fait également le choix d'une mise en page aux allures classiques. Souvent sous la forme de gaufrier de 6 ou 8 carrés mais tout doucement cela se complexifie surtout lorsque l'action pointe le bout de son nez. Et que dire de l'absence de cadre si ce n'est que cela confère à chaque vignette des allures d’œuvre d'art, voire de manuscrits médiévaux forts rares.

C'est donc un superbe album sur l'enfance, du temps des croisades à nos jours que Chloé Cruchaudet nous propose. Un album aux allures de récit initiatique pour les petits et pour les grands.

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