La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Scénario : Marie DONZELLI
Dessin : Mademoiselle Caroline
Couleurs : Mademoiselle Caroline
Éditions : DELCOURT


Adoleschiante est une bande-dessinée qui raconte l'adolescence dans ce qu'elle a d'ingrat et pénible, mais aussi d'attendrissant.
 

Avec le mot-valise « adoleschiante », on comprend sans peine le sujet : il s'agit du portrait d'une adolescente aussi attachante que chiante. Ainsi, l'histoire débute au moment où la famille de Laura quitte sa résidence secondaire en Bretagne pour préparer la rentrée scolaire, ce qui occasionne les premiers esclandres de la protagoniste qui réclame à cor et à cri de nouveaux vêtements et un nouveau smartphone… En effet, Laura fait partie de ces adolescents greffés à leur smartphone, et qui ne juge intéressants que les connexions wifi, les sorties shopping et ses amis. Sa famille assiste alors impuissante à ses sautes d'humeur au fil de l'année scolaire. Sa mère, elle aussi, se retrouve dans une transition mais professionnelle, et le parallèle entre la mère et la fille est instructif pour saisir les difficultés que les périodes transitoires de l’existence engendrent.

Si l'adolescence en BD est devenue un thème à la mode comme l'illustre le succès des héros juvéniles telle l'Esther de Riad SATTOUF, Marie DONZELLI et Mademoiselle Caroline ont trouvé avec Laura une digne représentante de la période traumatisante qu'est pour beaucoup l'adolescence tant cette quête de soi s'accompagne de profonds changements avec l'entourage où « je est un autre » comme le constatait déjà Arthur RIMBAUD au XIXe siècle. Avec dérision et sympathie, les auteures nous proposent des tranches de vie qui ne sont pas sans rappeler l'Agrippine de Claire BRÉTÉCHER ; l'arrière-plan est ainsi esquissé au profit du premier plan en mettant en avant les postures de l'adolescente souvent efflanquée tandis que les couleurs franches jouent des contrastes. Les auteures décrivent ainsi en quelques traits humoristiques et précis l'adolescence dans ce qu’elle a de cocasse et de démesuré.

Pour ce faire, Marie DONZELLI et Mademoiselle Caroline se sont manifestement inspirées d'anecdotes personnelles, et l'année racontée de Laura et sa famille - qui évoque le cycle naturel de la croissance - ne peut que raviver chez beaucoup de nous la rage ou plus simplement la déstabilisation engendrée par les changements hormonaux de la puberté. Ces changements affleurent également dans les projets de vie de Laura où pointent des revendications féministes puisqu'elle refuse de suivre les pas de sa mère qui s'est arrêtée de travailler pour s'occuper de ses enfants en s'oubliant en même temps. Par ailleurs, le parallèle fait entre Laura, la mère et la grand-mère est efficace pour saisir que finalement chacun·e· a pu traverser cette période intermédiaire entre l'enfance et l'adultat avec plus ou moins de fracas, et que les tensions intergénérationnelles ne s'estompent pas toujours avec les années même si l'adoleschiante cherche à muer en ado-rable.
On rit de bon cœur aux turpitudes familiales causées par Laura, mais on s'attendrit aussi tant ces saynètes parlent à tout un chacun.

Lydie et Nicolas