La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Endetté, Damon Price trouve refuge chez son cousin Roderick Usher. Ce dernier, bouleversé, lui annonce la mort de sa sœur. Mais, dès la nuit suivante, Damon est réveillé par le fantôme de sa cousine ! Et ce n’est que la première chose étrange qu’il va vivre dans la Maison Usher…
Plus qu’une adaptation, Jean Dufaux et Jaime Calderon nous livrent une magnifique et spectaculaire relecture du texte mythique d’Edgar Poe.
 
Joueur de poker en manque de chance, Damon Price s'est endetté auprès de personnages aussi peu conciliants que scrupuleux. Face à la pression qu’ils lui mettent, Damon prend la première porte de sortie qui s’offre à lui. Il s’agit de celle d’une sombre et infecte calèche. Mais pour Damon, peu importe l’odeur pourvu que le cocher le mène le plus loin possible de Baltimore et de ses créanciers. Après deux jours de voyage, le jeune homme se retrouve devant la maison Usher et son cousin Rodrick Usher. Ce dernier, particulièrement maladif, lui annonce la mort de sa sœur Madeline. Le soir même, Damon est réveillé par des bruits de pas provenant du couloir. Derrière la porte, il découvre sa cousine qui sort de la maison, traverse le jardin puis s'enfonce dans la mare putride avant de s'y noyer. Bouleversé, Damon en fait part à son cousin qui finit par lui montrer le caveau de sa sœur. Malheureusement, cela ne met pas fin aux apparitions …
 
Après Paul et Gaëtan Brizzi début novembre, c’est donc à deux autres monstres sacrés du 9e art de s’attaquer au texte d’Edgar Allan Poe. Preuve, s'il en est, de la notoriété de l'auteur britannique et de ses textes. C’est donc Jean Dufaux qui se charge de l’adapter. Mais soyons précis sur les mots : plus qu'une adaptation, le scénariste fait une relecture puisant son inspiration dans l’œuvre de Poe. C’est ainsi qu’il fait qu’on fait la rencontre d’un joueur de poker professionnel endetté jusqu’au cou : Damon Price. Poursuivi par ses usuriers, il s'enfuit en montant dans une calèche sombre et puante. Cette première partie est l'occasion de se familiariser avec une autre nouveauté : la présence de l'auteur !  Au-delà de la mise en abyme, c’est la thématique du double (intimement liée à la schizophrénie) chère à Edgar Poe qui est mise en avant. Bien sûr, c’est très surprenant et il faut quelques scènes pour comprendre ces interventions qui renvoient bien à l’atmosphère propre à l’auteur. Cette atmosphère, lugubre et malfaisante, on la retrouve lorsque le héros arrive à destination, la maison Usher, et devant son cousin Rodrick. Débute alors un huis-clos ultra pesant où les cauchemars ne font plus qu’un avec la réalité. Afin de prolonger cette ambiance pesante, le scénariste fait même apparaître des zombies à la fin. Si on peut regretter cette inspiration, qui n'est pas sans faire penser au film de George Romero, on se dit que pourquoi pas ? après tout, peut-être que Poe aurait pu ? et que, de toute façon, cela fonctionne plutôt bien ! Pour les puristes, Delcourt a également tout prévu puisqu’ils trouveront l’original du texte (plutôt son excellente traduction par Baudelaire) en fin d’ouvrage. Mais tout exceptionnelle que sous le texte du poète, il manque à cette version la magnifique mise en image de Jaime Calderon. Le dessinateur espagnol nous plonge avec gourmandise dans le romantisme gothique du dix-neuvième siècle. Le traitement réaliste des personnages fait une grande place aux gros plans et à l’expressivité des uns et des autres. Les planches sur fond noir apportent un côté lugubre que compensent judicieusement les chandelles et les interventions de l'auteur. Les décors intérieurs sont dignes des meilleures maisons hantées : le regard papillonne, ne sait plus où se poser tant les détails et la minutie sont omniprésents. Les scènes extérieures sont juste époustouflantes et il suffit d'ouvrir la première page pour s'en convaincre. Si, à cela, vous ajoutez la magnifique couverture avec le titre en bas relief et la tranche toilée vous obtenez un magnifique objet doublé de la promesse d'un excellent moment de lecture !

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