La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Après un premier arc narratif des plus réussis, Zidrou et Homs nous régalent à nouveau avec l'arrivée de " Black friday ". Ce second cycle, annoncé comme un diptyque, démarre en trombe et nous fait retrouver Jay et Kita, quelques années après la fin du tome 4, toujours au côté des mères en colère afin de tenter de libérer les enfants de l'oppression du travail et des manufacturiers. Un second cycle de très haute volé aussi bien sur le plan scénaristique que graphique. Une série culte que je vous recommande sans hésiter.
 

La colère des "angry mother", n'a de cesse de grandir, ralliant de plus en plus de partisan, s'étendant petit à petit, à toute l'Angleterre. Au-delà d'affirmer leur présence par des graffiti "shi" qu'elles peignent sur les murs, le groupe s'organise et commence a mener de petites actions afin de sensibiliser la population et surtout la bourgeoisie à leur cause. Malheureusement, leurs méfaits ne sont pas vus d'un très bon œil. En effet, qu'il s'agisse de distribuer des tracts sur un champ de courses ou d'estampiller les exploiteurs d'enfant au fer rouge du sceau de la rébellion, les hautes autorités s'accordent à dire que s'en est de trop. C'est pourquoi, lord Fiddle, après avoir pris la succession du commissaire Ulysses Kurb, décide de demander à sa majesté que soit proclamée la loi martiale afin d'éradiquer cette vermine pullulante dans les rues de Londres. En parallèle dans un contexte plus contemporain, les états unis des années 50, nous suivons l'enquête de deux policiers et de leur secrétaire sur les traces de Wanda, une fillette de 6 ans disparue depuis peu.

Comme à son habite dans Shi, Zidrou, maître conteur nous happe par les sentiments, faisant de nous les témoins d’une société hypocrite. Tandis que Jay et Kita programment, pas après pas, leur vengeance froide, il nous fait osciller entre plusieurs temporalités. Il brouille les pistes, alternant récit policier, thriller, complot et société secrète, le tout saupoudrer d'un soupçon de fantastique. Son histoire est lisible et soutenue de bout en bout, c'est extrêmement bien ficelé et rythmé. Il jongle savamment avec les temporalités et les lieux sans pour autant se disperser. Ses nombreux sauts dans le temps et l'espace donne à cette lutte une sorte d'intemporalité, l'inscrivant dans un combat éternel, et intergénérationnel.
Ce mélange dans les époques est si bien construit que le lecteur est happé par ce récit.
Zidrou nous émeut par ce récit fort et puissant où il brosse de beaux portraits de femmes, montrant leurs forces et leurs faiblesses, les glorifiant dans leur combat.
Avec ce second cycle, il nous propose un album magnétique qui doit beaucoup au remarquable travail d' Homs. En effet, une fois de plus, le dessinateur espagnol déploie toute l'étendu de son talent. Il assure une partition graphique de haute volée, terriblement efficace, expressive et d'une grande maturité. Les couleurs sont fortes, les ambiances marquées. Le trait, légèrement caricatural, fait la part belle aux émotions. On oscille entre force et douceur, violence et sensualité. On ressent chaque émotion, chaque intention, dans son dessin virtuose. On se rend vite compte que rien n'est laissé au hasard, l'artiste joue avec les cadrages, le découpage et parvient à reconstituer les différentes époques de façon incroyable et impressionnante, rendant cet album d'autant plus immersif.

Avec Black Friday, Zidrou et Homs continuent avec brio leur série vouée à devenir culte, mêlant histoire, aventure, fantastique et chronique sociale. Une excellente lecture, qui donne envie de poursuivre les aventures de Jay et Kita et que je vous recommande vivement.