Tous les héros s’appellent Phénix
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Tous les héros s’appellent Phénix
dessin: Jérémie Royer
Scénario:Jérémie Royer
Editions: Rue de Sèvre
Une BD bouleversante, intrigante, où certaines rencontres peuvent vite se transformer en cauchemar !
Intimiste, précis, et violent, un texte sur un sujet délicat abordé intelligemment par l’auteure ; démontrant que la honte ne doit pas s’abattre sur la victime et que se soustraire au reste du monde ne fait qu’empirer les choses.
Phénix et sa petite sœur Sacha vivent au bord d'un lac avec leur mère, souvent absente de par son travail, encore plus depuis le départ il y a un an du père, activiste écologiste. Un jour, après avoir crevé la roue de leur vélo, elles rencontrent le séduisant professeur d’anglais, Mr Smith, qui propose de les raccompagner chez elle en voiture.
Ce jour-là une fumée étrange apparaît au-dessus des bois, en arrivant les filles se rendent compte que leur mère brûle tout ce qui pourrait leur rappeler leur père. M.Smith, personnage charismatique, s'immisce alors dans la vie de la famille, jusqu'à séduire la mère et s'installer à la maison. Toujours charmant en compagnie d’Éricka, son vernis se craque lorsqu’il se retrouve seul en présence des filles. Sous ses airs charmants, le professeur se montre alors autoritaire et cassant. Ce qui commence par être une chance dans leur vie tourne vite au vinaigre; le bonheur retrouvé vire à l’horreur. Les coups pleuvent sur Phénix qui décide de ne rien dire et de maquiller ses hématomes, pourquoi ? Une seule raison à cela: si par un mystérieux hasard votre mère a le moindre doute, j’envoie Phénix en pension et je m’occupe de Sacha.
Protéger sa petite sœur devient son unique but, mettant ainsi de côté son amour naissant pour Merlin, et la vie de Phénix devient un cauchemar.
En adaptant le roman de Nastasia Rugani, Jérémie Royer s’attaque à la violence familiale malheureusement encore trop d’actualité. Mais il serait réducteur de n’y voir que cela. Ce roman parle d’amour fraternel, de la volonté d’être une sœur protectrice coûte que coûte. Mais c’est aussi une histoire de résistance et de résilience.
Jérémie Royer (sur les ailes du monde, Audubon & HMS Beagle aux origines de Darwin avec Fabien Grolleau) a fait un magnifique travail sur cette adaptation. Il traduit bien l’évolution de la situation, des comportements et la lente descente aux enfers de Phénix. Le dessin ne se veut pas sombre et dur, l'auteur a au contraire choisi des couleurs plutôt douces et alterne entre les scènes violentes et les scènes heureuses comme pour bien nous faire comprendre la complexité de ces situations et la difficulté de deviner ce qui se passe vu de l’extérieur.
C’est une très belle réussite. Le rythme, les dessins le découpage scénaristique: tout y est.
Une BD sombre dont le dénouement et la fin heureuse arrivent très vite.
BD jeunesse oblige, l’amour prend le dessus. Il est intéressant de voir comment cette violence affecte les deux jeunes filles et je pense que ce thème est abordé intelligemment par l’auteure, démontrant que la honte ne doit pas s’abattre sur la victime et que se soustraire au reste du monde ne fait qu’empirer les choses.
Si la fin sonne de façon un peu artificielle ou trop belle le cœur du roman sait se faire noir et réaliste, insistant sur les affects des deux filles, oblitérant volontairement les psychologies d'Erika et de Jessup.
Ce qui nous touche le plus quand on lit cette BD : savoir que ce n'est pas que de la fiction, savoir que cela se produit vraiment chez les gens, et savoir qu'il est difficile de mettre fin à ce genre de situation. Et nous, lecteurs, nous sommes là à avoir envie de hurler pour que tout s'arrête, parce qu'à nos yeux c'est si simple de mettre fin à tout ça. Ce récit nous prend vraiment aux tripes, c'est douloureusement agréable à lire.
Sébastien
Chroniqueur
La Bande Du 9
