Titre du Tome: Jour J 46. Les noces de sang 1/2
La guerre d’Espagne a fait une victime de trop : Federico Garcia Lorca ! Pour son ami Salvadore Dali, cette exécution marque le début de son implication dans la guerre civile et les homards ont du soucis à se faire !
Un Jour J comme on les aime: rythmé, facilement compréhensible et totalement barré par l'intervention d'un Dali en très grande forme.
Août 1936, au lieu-dit La Source aux larmes, dans la province de Grenade, un groupe de trois hommes est fusillé par des franquistes. Par eux se trouve l'auteur Federico Garcia Lorca. À Londres pour une exposition
consacrée au surréalisme, Salvador Dali est profondément secoué par la nouvelle. L’artiste est si bouleversé qui n'a qu'un mot à la bouche : "vengeance ! " Évidemment, Dali ne lance pas des mots en l'air, il a un plan ! Il embarque avec Edward James, un ami collectionneur d'art, direction Paris. Il y retrouve Man Ray qui, en mémoire de Lorca, accepte de créer des contrefaçons. Surtout, les deux hommes retrouvent un dénommé Serge dans un camp de gitans. C'est lui qui va être le maître d' œuvre de la vendetta de Dali, et quand Dali décide de s'impliquer, les homards ont du souci à se faire.
De la guerre civile espagnole, le monde garde en mémoire le bombardement nazi sur la petite ville de Guernica, immortalisé par Picasso. Pour s'en convaincre, il y a qu'à voir la polémique à propos de la tapisserie représentant l'œuvre, propriété des Rockefeller prêtée puis récupérée et enfin rendue à l'ONU. C'est oublier un peu vite qu'un autre artiste espagnol a joué un rôle majeur dans l'art de cette époque : Salvador Dali. Oh bien sûr, il ne sait jamais inscrit en politique, mais imaginez s'il l'avait fait ! Et bien, n'imaginez plus. Les
scénaristes de
Jour J, Fred Duval Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard ont plongé dans les méandres de leur subconscient pour imaginer l'intervention du peintre surréaliste dans la guerre qui secoua son pays. Le résultat est largement à la hauteur de la notoriété du peintre. C'est une intrigue mêlant vendetta ; forcément surréaliste, guerre civile espagnole, espionnage, enquête policière et géopolitique des années 30. Le rythme est soutenue avec des rebondissements efficaces et inattendus. Il faut dire que le lecteur est totalement ignorant du plan de Dali. À la façon d'un joueur d'échecs, le peintre place ses pièces sans que l'adversaire et le lecteur ne comprennent le piège dans lequel ils vont tomber. C'est très bien fait et on referme l'album aussi perturbé que Léon Blum, le premier ministre français de l'époque. Vous ne connaissez pas, rassurez vous. Nul besoin de connaître l'époque, il suffit de se laisser bercer par les coup d'éclat de Dali car le peintre est bien au centre de l'album. Égocentrique et narcissique, Dali se prend pour César et ne parle de lui qu’à la troisième personne du singulier. Si c'est déstabilisant au départ, on finit par s'attacher à ce personnage aussi romantique qu’excentrique. Sans oublier toute une ribambelle de personnages plus ou moins secondaires qui gravitent autour de l'artiste. On aurait pu craindre des confusions mais le trait réaliste de Renato Arlem évite à merveille cet écueil. Le dessinateur de
Blood red lack nous propose un trait réaliste d’une grande finesse et très agréable à lire. Du faste des palaces parisiens au cloaque pour marins de Lisbonne, le dessinateur nous régale par la précision et l'ori
ginalité de ces décors. Afin de rendre plus immersive l'intrigue, il commence souvent ces planches par de grandes vignettes de décor extérieur juste magnifiques. Il supprime les cadres pour plus de dynamisme et ajoute toujours un petit détail aux dialogues afin les rendre encore plus distrayants. Avec Tiago Rocha à la couleur, il joue avec la lumière afin de rester dans la lignée de Dali mais aussi pour ménager une dose de suspense.
Pour son 46e opus, la série uchronique
Jour J prouve qu'elle a encore de la ressource grâce à un scénario rythmé et mystérieux et un dessin très efficace. Il ne reste jamais qu'une question : que nous réserve réellement Dali ?