Nom de la série : Message
Tome : 1
Titre du Tome: Chargement
Scénario : Cristin Wendt
Dessin : Cristin Wendt
Couleur : Cristin Wendt
Maison d'édition : Graph Zeppelin
Les éditions Graph Zeppelin nous proposent le premier tome d'une BD initialement sortie en 2018 en autoédition intitulée "Message". Une œuvre postapocalyptique réalisée par Cristin Wendt qui a ensuite bénéficié d'une réédition révisée en format hardcover par le label Cross Cult en 2019. Une BD SF ambitieuses, aussi exigeante que captivante, qui laisse une empreinte visuelle et narrative forte.
L’intrigue se déroule dans un futur post-apocalyptique où la Terre, ravagée par le changement climatique, a failli être sauvée par une intelligence artificielle nommée KIEM. Cette IA prend finalement conscience que l’Humanité est la véritable menace, et se retourne contre elle. Malgré sa désactivation, des armes autonomes, appelées "Exekutoren", continuent d’exterminer les survivants humains.
Le héros, Avarus Saizev, est un éclaireur de l’agence Homeland. Il est l’un des rares survivants d’une attaque qui détruit sa cité. Un jour, alors qu'il était en mission, il reçoit un message mystérieux de son frère, que l’on croyait mort. Ce signal déclenche un périple tendu, une quête à la frontière de la survie, de la mémoire et du doute. Mais cette quête, loin d’un chemin linéaire, se transforme très vite en fuite entre les balles d’Exekutoren, des machines tueuses laissées en liberté par KIEM, l’intelligence artificielle jadis conçue pour sauver le monde. Avarus s’engage alors dans une traversée périlleuse à travers zones mortes, trahisons humaines et souvenirs distordus. Cet élément déclenche un voyage dangereux et riche en révélations.
La narration de Message fonctionne comme une onde discontinue : elle ne cherche pas à tout expliquer d’emblée. Le lecteur est jeté dans un monde qu’il doit reconstituer par fragments, à l’image d’Avarus qui tente de déchiffrer ce qu’il reste de vérité. Ce choix narratif, qui pourrait déstabiliser, donne en réalité une épaisseur dramatique, un réalisme organique au récit. On vit dans ce monde comme on y meurt : sans certitude, sans carte. Le rythme, lui, alterne entre silences lourds et flashs d’action brutale. Cristin Wendt maîtrise parfaitement l'art du non-dit et de la tension contenue dans un récit ou chaque dialogue, chaque mot sont pesés.
Visuellement, le graphisme de "Message" est froid et tranchant comme une lame de couteau. Les palettes dominantes sont métalliques : bleus désaturés, verts militaires, gris industriels. Pourtant, de cette austérité jaillissent parfois des contrastes presque violents — des éclats de rouge, de feu, de sang. La violence y est stylisée, mais jamais esthétisante.
Les personnages, eux, oscillent entre réalisme rugueux et design manga, ce qui donne à l’ensemble un ton hybride. On sent l’influence japonaise dans les cadrages cinématographiques et le soin porté à l’ambiance, mais aussi un ancrage européen dans la construction du décor et le travail des textures. Certaines planches muettes valent des pages de prose tant elles parlent par leur seule composition.
Ce premier tome n’est pas une lecture passive. C’est un appel codé, une œuvre exigeante qui oblige à tendre l’oreille au moindre grésillement. C’est aussi une belle promesse : celle d’un récit dystopique qui ne cède ni au cynisme facile ni à l’action gratuite offrant un cliffhanger puissant en fin de volume, laissant présager une saga riche en rebondissements et suspense.