Cauchemars ex machina
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Cauchemars ex machina
Scénario : Thierry SmolderenDessin et couleurs : Jorge GonzalezÉditions : Dargaud
Alors que la guerre bat son plein, deux écrivains vont manipuler les rêves d’un obscur collaborateur français.
Un roman graphique qui rend hommage aux romans à mystère autant qu’au récit d’espionnage intelligent et dans notre monde, c’est aussi remarqué que remarquable.

Automne 1938, alors que les bruits de bottes se font de plus en plus forts en Europe, les services secrets de Sa Majesté envoient une écrivaine policière à Paris pour y sonder le baron Von Richtenback, grand amateur de récit à mystère, dont l'oncle est un haut dignitaire du régime. C'est l'occasion pour la

Britannique de faire la rencontre de Corneille Richelin, obscur auteur de roman policier. Quatre ans plus tard, la guerre a éclaté et Corneille Richelin est devenu cinéaste. Il a épousé la fille de son producteur, malgré de nombreuses rumeurs de mœurs déviantes. Mais dans cette France occupée, rien ne se fait sans l'aval les autorités nazies et sans le soutien du baron Von Richthenback. C'est ainsi, qu’inspiré par ses cauchemars, Richelin vend son prochain film. Il ne s'imagine pas que, de l'autre côté de la Manche, deux brillants romanciers s'intéressent également à ses rêves. Il est loin de s'imaginer qu'ils vont habilement le manipuler au profit des services secrets britanniques, au profit de la victoire alliée…
L'album s'ouvre sur un meurtre mystérieux. Corneille Richelin est retrouvé mort, une hache plantée en pleine tête. Le mystère réside dans le fait que Richelin était enfermé dans son bureau et que la

domestique jure l'avoir entendu parler avec quelqu'un d'autre. Etait-ce le meurtrier ? et si oui, par où a-t-il fuit ? C'est alors que Thierry Smolderen opère un magistral flashback. Plus exactement, le scénariste remet le lecteur dans la bonne marche de l'intrigue. Certes, le procédé n'est pas nouveau mais, si vous lui ajoutez l'énigmatique lettre d'ouverture, vous obtenez un lecteur déjà bien harponné. Par la suite, le soufflé retombe un peu. Et on change un peu de style. Du roman à mystère, on vire vers le récit d'espionnage. Il y a bien le crime imaginé par Richelin mais, pas plus que le lecteur, l'auteur n’arrive à trouver la solution. Dès lors, on préfère se laisser bercer par le rythme plus tranquille, bien que régulièrement secoué par des rebondissements totalement inattendus. On s'attache rapidement aux personnages. C'est simple pour les deux héros. Mais, chose plus surprenant, c'est également le cas pour Corneille Richelin qui est loin de l'archétype du gentil sans peur et sans reproche. On comprend qu'il possède ses propres failles et que son comportement est guidé par ses sentiments, son amour des êtres et des lettres, davantage que par l'ambition. Pour un récit noir, il faut un dessin sombre. Cette réflexi

on a guidé le trait Jorge Gonzalez. Le dessinateur de
Chère Patagonie conserve son trait tout à la fois vif et flouté, expressif et statique. L'ensemble est harmonieux et correspond à merveille à l'intrigue et à la personnalité des personnages; tout en distillant une atmosphère lugubre, même dans les paysages enneigés, digne des pires cauchemars.
C'est donc un roman graphique de haute facture qui rend hommage à des auteurs quelques peu oubliés de nos jours ainsi qu’au récit d'espionnage qui nous rappelle qu'un espion ne rime pas toujours avec baston et qu'il y a intelligence dans MI5. Un ouvrage qui ravira tous les lecteurs qui aiment faire fonctionner leurs petites cellules grises!
CédricChroniqueur
La Bande Du 9