La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Lorsque l’homme le plus riche d’Alsace se lance dans un nouveau projet, c’est toute sa famille qui va voir son existence chamboulée.
Une nouvelle saga familiale aux accents de portrait social et sociétal menée avec brio par Stéphane Piatzszek et Florent Bossard. Une ouverture prometteuse !
 
En Alsace, la famille Koechlin est la plus riche du département et Nicolas est le plus riche de la famille. Millionnaire à 21 ans, ses ouvriers affirment que tout ce qu'il touche se transforme en or ! Il faut dire que la manufacture « Nicolas Koechlin et frère » tient la dragée haute à ses concurrents, DMC en tête. A l’aube de ses 50 ans, Nicolas souhaite passer à autre chose. Il laisse la direction à son fils Ferdinand. Il rappelle le cadet d’Amérique du Sud où il jouait les VRP de luxe. Quant à la benjamine, Salomé, elle rêve de devenir une journaliste libre en enseignant la lecture auprès des enfants la manufacture. Si tous écoutent leur père, ils n'en ont pas moins leurs rêves et parfois les deux se s’entrechoquent. Et puis, il y a les fameux  gamins de l'école, ceux qui font double journée ou qui profitent de la salle de classe pour se reposer.  Il y a Doomi le plus investi de la classe, qui donne à manger à Mademoiselle, l’énorme machine à vapeur de l'usine et Fink son petit frère endormi qui fuit le médecin. Bien sûr, leur vie est dure mais le nouveau projet de Nicolas Koechlin pourrait bien bouleverser leur existence à tous. Dans cette époque de progrès mécanique, il n'envisage rien de moins que de construire la plus grande ligne ferroviaire du monde...

De nos jours, les sagas familiales sont florès. Qui de son fabriquant de cloche, de ses banquiers ou de ses brasseurs ! Souvent, c'est l'occasion de fidéliser pour quelques album les lecteurs appâtés par le premier tome. Malheureusement c’est parfois aussi la promesse d’un délitement au fur et à mesure des albums. Mais n’anticipons pas !  Stéphane Piatzszek continue son tour de France des histoires régionales en posant son stylo en Alsace. L'ancien étudiant en histoire s'intéresse à une figure de l'histoire mulhousienne : la famille Koechlin. Et principalement le plus illustre d'entre eux : Nicolas. Mais le scénariste ne se contente pas d'une simple biographie. Il mène une enquête sur les conditions de vie des travailleurs textiles à la fin du 19e siècle et sur celles de leur patron. Pour ce faire, il romance son histoire. Il donne la parole à Salomé Koechlin, la benjamine de la famille. Sociale et féministe avant l'heure, la jeune femme ne s'imagine un avenir identique à celui de sa mère. C'est alors que la biographie devient une satire sociale. Ouvriers et patronat, c'est toute la société qui est présentée avec force détails et beaucoup de véracité. Quant à l'intrigue en elle-même, la construction de la plus grande ligne ferroviaire du monde, elle est sous-jacente à une grande partie de l'album et n'apparait en plein jour qu’au deux tiers des 56 pages. Cet aspect plus technique et laborieux est rejeté dans la suite de cette trilogie. Après L’Ours lune et Leviathan, Florent Bossard fait preuve d'une maîtrise toujours impeccable. Chaque cadre semble avoir été mûrement réfléchi afin de mettre en avant tel décor, tel personnage ou telle machine. Si la vivacité du trait est parfois perfectible, elle est admirablement compensée par une colorisation grandiose. C'est ainsi que la crasse et l'obscurité des usines font écho à l'élégance et la luminosité des vêtements et des intérieurs bourgeois. Finalement, le lecteur comblera sa curiosité grâce à un excellent dossier documentaire aussi agréable que détaillé.

C'est donc une excellente mise en bouche que ce premier Kilomètre zéro. Maintenant que les rails sont posés, espérons que la suite ne déraillera pas car ces premiers kilomètres sont prometteurs !

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