La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Écrivain à succès, Jim Sullivan s’isole dans une bourgade irlandaise perdue. Son but : écrire l’histoire de sa famille et accessoirement découvrir le mystère qui entoure un mystérieux pendentif.
O’Sullivan est la nouvelle grande saga familiale extrêmement prometteuse.
 
Jim Sullivan est un célèbre écrivain, auteur de best-sellers fantastiques. Lorsqu’il débarque en Irlande, sur la terre de ses ancêtres, il souhaite se ressourcer. Dès le premier soir, au pub, il est adopté par les villageois. Il se lie tout particulièrement d'amitié avec Rosie, une jolie bibliothécaire. Si Jim est de retour en Irlande, c'est qu'il a un nouveau projet qui le hante depuis la mort de son père : écrire l'histoire de sa famille. Tout commence avec la famine des années 1850. Le manque de pommes de terre conduit de nombreux irlandais a quitté leur ile et a tenté la traversée de l'océan. Parmi eux, il y a Mary-Maé, l'ancêtre de Jim. La jeune femme embarque sur le Janet Johnson, un « bateau cercueil » dans l'espoir que l'enfant qu'elle porte aura une vie meilleure au Canada. Ça, Jim le sait mais ce que Mary-Maé a subi durant la traversée… Qu'importe, partant de la documentation disponible, l'écrivain fait ce qu'il sait faire : il invente. Tentative de viol, scorbut et bienfaiteur, tout ça fait désormais partie de l'histoire de Marie-Maé puis arrive d'Erwin et l'enfance du petit bonhomme va tout doucement succéder à l'histoire de sa mère; au moins jusqu'à son mariage. Seulement, Jim semble obnubilé par un étrange pendentif, une sorte de clef qui n'a jamais quitté les aînés de la famille, une clef qui semble également beaucoup intriguer Tara Calaghan,  la « banshee », la sorcière du village….

Avec les beaux jours reviennent les grandes sagas télévisées de l'été. Avec les beaux jours, revoilà les grandes sagas familiales en BD. « Quoi, encore une saga familiale ? » me direz-vous. Je pourrais vous répondre que celle-ci est différente et égrener les sept différences. Et bien non ! O'Sullivan est une saga comme tant d'autres mais qui mérite tout de même qu'on s'y attarde. Point de départ :  une mise en abyme. Le scénariste Rodolphe nous raconte la genèse du roman de Jim Sullivan. Le procédé n'est pas nouveau mais il est très intelligemment utilisé. Cela permet de balayer deux périodes en même temps. On découvre ainsi la gestation d'une oeuvre:  le besoin d'isolement, les recherches sur Internet et en bibliothèque. Seulement, entre Jim et Mary-Maé, trop de temps s'est écoulé pour saisir un quelconque lien. Il y a bien l'énigmatique pendentif qui semble être la clef du mystère mais il est encore trop tôt pour en juger. En tout cas, Rodolphe nous propose une double intrigue très agréable. D'un côté il y a la vie difficile de Marie-Maé et d’Erwin, son fils. De l'autre, les interactions de Jim avec les villageois irlandais et tout particulièrement avec Rosie. Là aussi, on voit poindre une évidente idylle dans le scénariste se moque tendrement. Il ne faudrait pas oublier l'atmosphère si particulière du Connemara, de ses châteaux hantés et de ses sorcières qui parcourent la lande pieds nus. Ambiances, une nouvelle fois très différentes de celles du Canada du milieu du XIXe siècle. Ces personnages et ces ambiances prennent vie sous le crayon de Marc-Renier. Ce sont d'ailleurs les personnages qui marquent le plus : visage émacié, regard aussi profond que l'océan et crinière de feu ; pas de doute, on va se souvenir longtemps d’eux ! N'oublions pas les seconds couteaux qui, par leurs défauts ou leur gentillesse rythment le récit. Si la mise en page se révèle assez classique, elle fait montre une grande efficacité, aidée en cela par des choix des couleurs, pâles pour le XIXe siècle et vives au XXIe siècle. Elles viennent judicieusement rehausser les décors nous renvoyant à merveille à la douce chaleur des pubs, aux embruns iodés des côtes tout autant qu’à la crasse des quartiers pauvres de Québec.

Rythme, mystère gaélique, personnages de caractère et sublimes décors sont les ingrédients de cette nouvelle saga familiale qui va faire parler d'elle. Ne vous avais-je pas prévenu ?

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