La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Scénario : Tore RØRBÆK
Dessin : Mikkel SOMMER
Éditions : La Boîte à bulles

Les monts Shingal censément être le lieu où Noé se serait échoué, ont servi de refuge aux Yézidis durant les tentatives de l’État islamique de les massacrer en août 2014.
 

Le district de Shingal est reconnu par les autorités irakiennes comme un « territoire contesté » mais depuis la chute de Saddam HUSSEIN en 2007, la situation géopolitique s'est délitée et les Yézidis ont vu leurs relations se dégrader avec les musulmans d'autant qu'Al-Qaïda s'est assuré le soutien de la population locale.
Le peuple Yézidi qu'on peut qualifier de martyr après avoir subi un autodafé de ses textes sacrés et soixante-treize génocides durant son histoire, a connu en août 2014 une énième persécution. Si la communauté internationale s'est émue du sort des Yézidis, elle a peiné à freiner les exactions commises à leur encontre comme l'enlèvement et le viol de milliers de femmes vendues ensuite comme esclaves.
L’œuvre nous permet alors de nous familiariser avec ce peuple martyr en nous proposant de suivre certains d'entre eux comme Mazloum, son frère Asmaïl et leur famille qui doivent lutter pour maintenir leurs positions et empêcher Daesh de les rejoindre. Plus de cinquante mille Yézidis ont en effet dû se réfugier sur les hauteurs du mont Shingal tout en empêchant les djihadistes d'y accéder ; Shingal est donc un refuge, mais aussi une prison sans possibilité de s'hydrater et de s'alimenter sauf à attendre le largage de colis humanitaires toujours insuffisants pour permettre à chacun de survivre.
Il faudra attendre qu'un corridor humanitaire perce une trouée dans la montagne pour leur permettre d'évacuer Shingal et rejoindre la Syrie. La plupart des Yézidis y étant parvenus vit désormais encore dans des camps de réfugiés, et beaucoup espèrent émigrer dans des pays occidentaux pour connaître la sécurité et la paix. Envers et contre tous, les Yézidis veulent demeurer un peuple...
 

Si l'histoire des Yézidis est riche, la raconter apparaît indéniablement complexe. Pourtant, les auteurs ont réussi à rendre clair leur exode dès lors que les forces en présence les ont abandonnés et les ont privés de protection, comme les soldats kurdes, les Pershmergas, ou des membres du PKK.
Les planches développent tel un reportage les protagonistes après avoir cerné leurs spécificités. On l'observe avec l'archange Malek Taus, représenté sous la forme d'un paon, et considéré comme l'envoyé du dieu des Yézidis - qui emprunte au christianisme, au judaïsme, à l'islam et au zoroastrisme - apparaît dans la bande-dessinée pour raconter l'inénarrable comme l'enlèvement de femmes enceintes. Les couleurs sombres illustrent ainsi la barbarie des nuits attendues à combattre un ennemi aussi lâche que sanguinaire tandis que les planches sans bulle narrent l'effroi et la sidération de ces victimes et de nous, spectateurs.

Ce roman graphique, inspiré par les rencontres faites par les auteurs, livre des explications claires et invite à mieux cerner les jours d'angoisse. Le travail documentaire fourni permet que les faits réels abondent la fiction.
La postface de RORBAEK est intéressante car elle précise le projet narratif et rappelle toutes les zones d'ombre encore présentes comme l'implication des Peshmergas dans le génocide des Yézidis.

Lydie et Nicolas