La bande du 9 : La communaut du 9ème art

Scénario : Doug Headline , Max Cabanes ,adapté d'un roman de Jean-Patrick Manchette
Dessin : Max Cabanes
Couleurs : Max Cabanes
Éditions : Dupuis , Air Libre

 

Nous sommes dans le Paris des années 70, Eugène Tarpon est un ex-gendarme, il a démissionné après avoir accidentellement tué un manifestant. Désormais, il porte un regard désabusé sur sa propre carrière et sur la société. Reconverti en détective privé, il a le vague à l'âme, ses affaires sont loin d'être florissantes, il n'a plus un sou en poche et s'apprête même à tout laisser tomber pour revenir vivre dans sa campagne natale, auprès de sa mère. Il devra pourtant remettre ses affaires à plus tard, car ce soir, il y a foule au portillon, tous semblent s'être passé le mot. Le défilé démarre avec Foran, une ancienne connaissance, stéréotype du parfait nazi, qu'il s'empresse de mettre à la porte. Ensuite, débarque un type, tenancier d'une boite de nuit, racketté à tout bout de champ par la mafia parisienne. Ce dernier lui demande de l'aide, mais le courant ne passe pas et se voit également congédié. Enfin, Memphis Charles, une jeune beauté, cascadeuse pour le cinéma, déboule précipitamment dans son appart miteux et éveille enfin sa curiosité. La jeune fille est paniqué, perdue ne sachant où aller. Elle lui dit avoir retrouvé sa colocataire égorgée dans leur appartement. Au passage, elle lui précise ne pas pouvoir appeler la police en raison de la drogue et des explosifs cachés à l'arrière de leur domicile. Le ton monte et Tarpon se retrouve assommé par un coup de combiné téléphonique bien placé. À son réveil, la gueule encore tout enfarinée, il découvre sur son canapé, une note d'excuse de la belle, où elle explique les raisons de son acte. Il ne le sait pas encore, mais c'est pour lui l'élément déclencheur d'une série d’événements qui vont vite le dépasser. Parviendra-t-il à dénouer le vrai du faux, à résoudre cette enquête pleine de faux-semblant et à écrouer le véritable coupable ?


Après "La princesse de sang", "Fatale" et "Nada", Max Cabanes et Doug Headline continuent d'adapter l'œuvre de Manchette. Ils s'intéressent cette fois à un détective prenant vie sous les traits d'Eugene Tarpon qui figure dans deux romans de l'écrivain. Un « néo-polar » en rupture radicale avec la série noire française des années 1950/1960. Nous plongeons dans le récit grâce aux nombreux monologues du héros en mode voix off. Il y raconte son quotidien, parfois d'une grande banalité, mais régulièrement ponctué de bonnes tirades très bien senties. L'écriture est plutôt légère, avec un ton qui tire de temps en temps vers l'humour, voir l'humour noir. C'est dans cet univers très seventies, que Tarpon malgré ses nombreuses faiblesses tient l'histoire à bout de bras. Un récit qui sent la gitane maïs et les pattes d'eph, immersif à souhait grâce notamment aux dessins enlevés et instinctifs de Max Cabanes. Il nous offre des planches prenantes, de plus en plus passionnantes, et fouillées au fur et à mesure de la lecture. La colorisation pop participe elle aussi grandement à ce retour en arrière temporel. C'est vraiment très beau, structuré et bien pensé. Une enquête violente et pleine de rebondissements, un scénario atypique et des dialogues qui font mouche. Vous l'aurez compris ce polar en marge des conventions à tout pour plaire. Nous pouvons peut-être espérer recroiser un de ces jours notre antihéros au cœur tendre dans un second opus adapté de "Que d'os". En attendant, je vous recommande vivement ce récit.

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